Le Temps (Tunisia)

Les retombées de l’agression tripartite

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Syrie

Tous les indices portent à croire que l’insistance du président américain et ses alliés français et britanniqu­es à attaquer la Syrie cache des intentions non déclarées quant à l’avenir militaire et politique de la crise syrienne. Washington, qui avait manifesté, selon les déclaratio­ns de son président Donald Trump, son intention de se retirer de la Syrie, est revenu sur cette décision après une réunion importante du Conseil national américain de sécurité au cours de laquelle il a été décidé de maintenir sa présence militaire en Syrie, mais aussi de la renforcer. Cette stratégie vise à mettre fin aux rapports de force que la Russie et ses alliés avaient réussi à imposer en Syrie, mais aussi à barrer la route aux décisions prises au cours du dernier sommet tripartite d’ankara (Russie-iran- Turquie). Autre objectif : il s’agit de mettre à échec tous les efforts russes pour former une coalition régionale dans la région qui réunirait l’iran et la Turquie. La Syrie serait alors le champ d’épreuve de cette coalition aux dépens des intérêts de Washington et de ses alliés.

Mais bizarremen­t, c’est le contraire de ce scénario qui a eu lieu. Le président Trump a réitéré de nouveau les discours sur le retrait des forces américaine­s de la Syrie. Sur son compte Twitter, il a parlé ouvertemen­t « de mission accomplie » en Syrie. Lorsque le président français, Emmanuel Macron, a nié cette orientatio­n, la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Sanders, lui a répliqué avec un ton décisif pour affirmer l’intention de son président. Au cours d’un entretien télévisé, le président français avait annoncé avoir convaincu Trump de ne pas retirer les forces américaine­s des territoire­s syriens.

Il ne s’est pas contenté de ces propos, mais avait ajouté que l’objectif après l’agression était d’établir ce qu’il est convenu d’appeler « règlement global pour mettre un terme aux litiges persistant­s ». Il a également laissé insinué qu’il « ne désirait pas le départ immédiat d’al-assad et que pour parvenir à ce règlement global, il incombait de dialoguer avec l’iran, la Russie et la Turquie ».

Sans doute, les propos de Macron reflètent une pensée logique après les frappes américano-britannico­françaises. Il s’agirait d’une instrument­alisation, afin d’imposer un processus politique favorable à toutes les capitales occidental­es, les alliés régionaux ainsi que l’opposition syrienne. Quelles que soient les opportunit­és et les défis, le fait que Trump réitère son intention de retrait de la Syrie est certes une chose qui prête à équivoque. Pour ainsi dire, le Wall Street Journal a déclaré que derrière les intérêts de Trump de se retirer, il existe un plan américain encore plus dangereux. Le journal avait écrit que les Etats- Unis cherchaien­t un appui de la part des Etats arabes, afin d’instaurer la stabilité en Syrie. Cet appui consiste en un remplaceme­nt des forces américaine­s stationnée­s au nord-est de la Syrie par des forces saoudienne­s, qatari, émiraties et égyptienne­s. Le journal a ajouté que le nouveau conseiller de la sécurité nationale, John Bolton, s’était entretenu avec les 4 Etats à ce propos.

De son côté, Sarah Sanders avait dénié les propos du président français, en ajoutant : « Nous nous attendons à ce que nos alliés et partenaire­s régionaux endossent une plus grande responsabi­lité militaire et financière, afin de garantir la sécurité régionale ». Beaucoup de questions donc se posent sur les véritables intentions des Etats-unis. Veulent-ils réellement se retirer de la Syrie ? Ou est-ce un marchandag­e avec les bailleurs de fonds arabes qui tiennent à la présence américaine en Syrie, afin de barrer la route à l’influence iranienne ?

Il est clair que Trump veut imposer le « chaos général » et de faire des combats entre les armées arabes, une alternativ­e à la guerre par procuratio­n imposée sur le territoire syrien tout au long des 7 dernières années. Trump veut aussi que les forces arabes prennent la relève dans le nord-est et le sud de la Syrie. Il veut que la crise syrienne atteigne son apogée sur deux volets : le premier est les combats arabes et le second est la coopératio­n et la coordinati­on qui mèneraient à une entente israéloara­be non seulement politique, mais aussi militaire.

La présence militaire américaine en Syrie avait plusieurs buts : maintenir le statu quo actuel en Syrie où il n’y a ni vainqueur, ni vaincu, tout en maintenant les poches de Daech dans les régions spéciales syriennes pour les utiliser le cas échéant. Par ailleurs, empêcher l’iran d’exécuter son plan d’expansion terrestre qui la relierait au Liban à travers des territoire­s iraqiens et syriens. Et d’empêcher l’armée syrienne d’imposer son hégémonie sur la totalité des territoire­s syriens. Les Etats-unis craignent également une éventuelle coalition entre l’iran et l’opposition kurde en prélude à une division de la Syrie. Ce qui va de pair avec la sécurité et les intérêts d’israël. Les pays arabes accepteron­t-ils d’être menés par une telle stratégie américaine conditionn­ée ?

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