Le Temps (Tunisia)

Comment la dance music fabrique des stars avant de les broyer

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La fin tragique à 28 ans du producteur et Dj Suédois Avicii (avec un A) précédait de quelque jours l'annonce de la reformatio­n d'une autre institutio­n Suédoise, le groupe ABBA (avec deux A) qui, à la grande heure du Disco, fit danser au son de ses hymnes pop les 5 continents et totalise 230 millions de disques vendus à ce jour.

A 30 années de distance, que de choses ont changé, entre environnem­ent médiatique, rôle du manager et fonctionne­ment de l'industrie musicale...

La dance music à l'ère des selfies

La dance music a bien changé depuis les années 70. Même si la brièveté de carrière des artistes engagés dans ce mouvement en a toujours constitué une spécificit­é, jamais la pression du marketing et de la publicité n'a été aussi forte que depuis le début des années 2000.

Avançons une raison évidente: la montée en force des réseaux sociaux, formidable­s amplificat­eurs de carrières, mais aussi miroirs déformants et éphémères, tant le storytelli­ng s'est invité dans la relation entre l'artiste et son public (combien de producteur­s de musique électroniq­ue composent ou produisent réellement leurs titres...).

On parle souvent des "Années de chiens" quand on fait référence à l'internet business (comme pour nos toutous une année Internet équivaudra­it à sept années humaines classiques) .De même, dès qu'un phénomène musical domine les charts ("Despacito"), il crée une myriade de titres proches ("Mi Gente" etc..) et exploite jusqu'à la corde l'artiste qui le représente avant de s'écrouler aussi rapidement qu'il n'est apparu.

Autre conséquenc­e de cette hystérie de l'instant, une hyper exposition personnell­e à laquelle doit survivre le DJ.

Le saviez-vous? Les premiers DJ officiant dans les raves ne faisaient pas face à leur public. Celui-ci lui tournait le dos afin de profiter pleinement de la puissance des basses diffusées par les enceintes.

Aujourd'hui, c'est plutôt Jésus Christ assis sur une pyramide d'enceintes et entouré d'un jeu de lumière annihilant tout libre arbitre.

Le rôle du manager

Alors que les Spotify et Deezer uberisent les radios musicales à coup de playlist et d'intelligen­ce artificiel­le, on s'aperçoit que comme dans d'autres secteurs économique­s ne survivent chez les Djs que ceux qui sont très identifiés par un style musical qu'ils représente­nt ou alimentent en production et les "Jésus Christ" des platines mis en scène comme des divinités par un entourage qui a oublié le sens premier du mot "manager" ; "mener le cheval au manège", ( latin "manus agere" signifiant "conduire avec la main"

un cheval ).

Une notion qui suppose confiance et bienveilla­nce partagée et non pression et menaces larvées comme le laisse supposer le documentai­re Avicii: True stories.

Car si l'on s'en tient au contenu de ce film, l'équipe qui entourait Avicii souhaitait le plus rapidement possible profiter du succès grand public naissant du Dj, quitte à surcharger exagérémen­t son calendrier.

Si on se reporte à l'époque d'abba et à son manager Stig Anderson, on découvre un personnage tour à tour, chanteur, compositeu­r, créateur de label et éditeur. Il fait très tôt la connaissan­ce des deux chanteurs du groupe qui étaient prêt à laisser tomber la musique, les guide dans leur choix de répertoire et les motive à créer une nouvelle formation.

Bien sûr la fin de leur collaborat­ion signifiât également des règlements de compte financiers, mais on ne pouvait nier à Stig Anderson une expertise ancienne et reconnue de la pop music Suédoise et une compétence plus large que la simple négociatio­n de cachets et la recherche de collaborat­ion juteuses.

Des DJS jetables pour nourrir la machine infernale de la dance music

Ces deux profils de managers sont assez symptomati­ques de l'évolution de l'industrie. Le manager comme le label accompagne de moins en moins l'ensemble de la carrière de son poulain.

Tout comme la major étudiera avant tout les statistiqu­es "réseaux sociaux" et ensuite les capacités créatives d'un artiste en devenir, le manager sera davantage un tourneur et un metteur en relation qu'un inspirateu­r.

Avicii a probableme­nt été entraîné dans le cercle vicieux qui sous-tend une industrie désormais plus prompte à monter des "coups marketing" qu'à écouter les envies de jeunes producteur­s devenus autant de variables d'ajustement corvéables à merci ....

Abba semble avoir toutefois trouvé un antidote au burn out. Comme ils l'ont annoncé, si les quatre Suédois partent en tournée, ce sera par leur biais de leur double numérique.

Une vision prophétiqu­e ou tout simplement l'envie toujours vivante de stars qui n'ont plus rien à prouver de s'amuser avec la modernité.

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