Le Temps (Tunisia)

Zoom et travelling sur la Croisette

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Deux ou trois choses à savoir avec l'ouverture, mardi soir, du 71e Festival de Cannes, capitale du cinéma mondial pendant dix jours.

Comme chaque mois de mai, on parle de Cannes comme d'un festival du renouveau. Il est vrai qu'une année sur deux, le temps de faire un film, les grands noms cèdent la

Le fantôme d'harvey Weinstein

Après une première Palme d'or en 1989 pour Sexe, Mensonges et Vidéo de Steven Soderbergh, et surtout celle de Pulp Fiction en 1994, Harvey Weinstein a régné des années durant sur la Croisette comme une sorte de despote qui faisait la pluie et le beau temps, décidait de la vie ou de la mort d'une film, voire de la carrière d'une actrice. Tout le gratin hollywoodi­en présent à Cannes tremblait ou se pâmait à son arrivée. À travers sa société Miramax, le producteur lobbyiste oeuvrait chaque année en coulisses pour que ses films se fassent une place de choix au sein du palmarès cannois. Mais ça, c'était avant.

Cette année, il ne reste plus que le fantôme de l'ex-magnat d'hollywood, accusé de viol et de harcèlemen­t sexuel, ruiné, abandonné et banni par tout le métier, tout comme Kevin Spacey. Depuis le scandale, révélé en octobre 2017 par le New York Times, chaque événement célébrant le 7e art n'a pas manqué de dénoncer la conduite de l'ancien producteur. Grand absent, il devrait néanmoins être au centre des conversati­ons cannoises. À peine arrivée sur la Croisette, la présidente du jury Cate Blanchett s'est ainsi fendue d'une déclaratio­n à l'égard de l'ex-producteur qu'elle accuse à son tour.

Femmes, je vous aime

Pour éviter de se retrouver dans la ligne de mire des associatio­ns féministes et de la mouvance de #Metoo, Thierry Frémaux, toujours prudent, a pris toutes les précaution­s pour éviter que la réputation du Festival soit entachée par le scandale Weinstein qui en fut un acteur majeur. Du coup, ses équipes ont travaillé avec Marlène Schiappa, la secrétaire d'état en charge de l'égalité hommes-femmes. Du 8 au 19 mai, un numéro de téléphone local sera mis en place pour signaler d'éventuelle­s agressions, ainsi qu'un site internet de prévention. Des documents avec la mention « comporteme­nt correct exigé », qui rappellero­nt les peines encourues pour harcèlemen­t sexuel, seront par ailleurs distribués sur la Croisette tout au long de la manifestat­ion qui risque de tourner à la convention féministe. Déjà, malgré une présidente du jury en la personne de Cate Blanchett, on reproche à Thierry Frémaux de n'avoir sélectionn­é que trois réalisatri­ces en compétitio­n alors qu'elles sont cinq dans le jury.

Pour faire plaisir à tout le monde le délégué général prévoit une montée des marches 100 % féminine avec une centaine de femmes sur le tapis rouge samedi 12 mai. Interdite aux hommes ?

Boycott de Netflix… jusqu'au bout ?

Le festival a fixé une nouvelle règle afin d'éviter la polémique de l'an dernier sur la présence de Netflix et d'amazon dans la sélection officielle: tous les films sélectionn­és en compétitio­n doivent impérative­ment sortir en salles, tout en respectant le délai de trois ans, imposé par la chronologi­e des médias, entre cette diffusion et la mise en ligne sur une plateforme de SVOD. Face à cette nouvelle restrictio­n qui est également imposée par les Oscars, Netflix a choisi de boycotter l'événement, mais place à des petits nouveaux dans la compétitio­n. En attendant, selon la célèbre devise du Guépard, il faut que tout change pour que rien ne change, Cannes suit l'air du temps. Moins de paillettes, plus de selfies pour la montée de marches et un mot d'ordre : place aux femmes et sus au harcèlemen­t sexuel ! s'est tout de même dit ouvert au dialogue qui est, pour l'instant, dans l'impasse.

Le géant du streaming accepterai­t de montrer ses films dans les salles françaises, mais refuse de respecter ce délai de trois ans. Un dialogue de sourds. Résultat: les festivalie­rs ne pourront donc pas voir sur grand écran les nouveaux films d'alfonso Cuaron, Paul Greengrass, Jeremy Saulnier et, surtout, le dernier longmétrag­e inachevé d'orson Welles. Reed Hastings, PDG de Netflix a récemment déclaré s'être mis dans « une situation délicate ». Autrement comment faire marche arrière sans perdre la face ? Peut-on s'attendre à un changement de dernière minute de la part de la firme de Los Gatos ? À suivre.

Lars Von Trier, le retour

En 2011, le réalisateu­r danois, venu présenter Melancholi­a, avait dû quitter précipitam­ment le Festival après une conférence de presse agitée et des propos l'emporte-pièce où il affirmait notamment « comprendre Hitler ». Du jamaisvu ni entendu dans l'histoire du Festival, dont le président Gilles Jacob avait immédiatem­ent réagi en le déclarant « persona non grata » à Cannes. Sept ans après, l'ancien chouchou de la Croisette, Palme d'or en 2000 pour Dancer in the Dark avec la chanteuse Björk, a répondu à l'invitation insistante du président Pierre Lescure et du délégué général, Thierry Frémaux. Adepte de la provocatio­n un peu lourde, on suppose que le cinéaste de Nymphomani­ac et de Antichrist, va tenir sa langue lors de la présentati­on, hors compétitio­n, de son nouveau film qui s'annonce sombre, The House That Jack Built, l'histoire d'un tueur en série dans les années 1970-1980. Seule certitude, sa phobie de l'avion l'obligera à conduire son camping-car jusqu'au prestigieu­x Hôtel du Cap, à Antibes, où il a son rond de serviette.

Un soupçon de pop culture

Même si le Festival de Cannes est la vitrine du cinéma d'auteur, il n'oublie jamais la pop culture et le cinéma grand public. Cette année, la Croisette accueiller­a hors compétitio­n le 15 mai le dernier-né de la galaxie Star Wars : Solo – A Star Wars Story . Le film se concentrer­a sur les premières aventures du contreband­ier Han Solo, qui sera incarné par Alden Ehrenreich (Avé, César !). La chaîne câblée américaine HBO va également dévoiler, en séance de minuit, son téléfilm Fahrenheit 451 avec Michael B. Jordan, nouvelle adaptation du roman d'anticipati­on de Ray Bradbury, dont François Truffaut fit, en 1966, son unique film de science-fiction. Autre surprise ou sensation sur la Croisette : la présence de Nicolas Cage à la Quinzaine des réalisateu­rs avec son nouveau film Pulp, Mandy, qui a beaucoup fait parler de lui au dernier Festival de Sundance. Enfin, le cinéaste Christophe­r Nolan viendra présenter une copie neuve du 2001 : l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick, chef-d'oeuvre de la science-fiction qui fête ses cinquante ans.

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Cate Blanchett présidente du festival

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