Le Temps (Tunisia)

Ennahdha garde la mainmise sur L'UTAP

- Walid KHEFIFI

Le mouvement islamise Ennahdha a finalement gradé le contrôle de l'union tunisienne de l'agricultur­e et de la pêche (UTAP), l'une des trois organisati­ons nationales signataire­s du Document de Carthage, aux côtés de l'union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et de l'union Tunisienne de l'industrie, du Commerce et de l'artisanat (UTICA). Abdelmajid Ezzar, un ancien membre du conseil de la choura (organe consultati­f) d'ennahdha, a été réélu vendredi à la tête de L'UTAP à l'issue du 16ème congrès national de l'organisati­on tenu à Tozeur sous le slogan «l'agricultur­e est la solution».

Le mouvement islamise Ennahdha a finalement gradé le contrôle de l’union tunisienne de l’agricultur­e et de la pêche (UTAP), l’une des trois organisati­ons nationales signataire­s du Document de Carthage, aux côtés de l’union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et de l’union Tunisienne de l’industrie, du Commerce et de l’artisanat (UTICA). Abdelmajid Ezzar, un ancien membre du conseil de la choura (organe consultati­f) d’ennahdha, a été réélu vendredi à la tête de L’UTAP à l’issue du 16ème congrès national de l’organisati­on tenu à Tozeur sous le slogan «l’agricultur­e est la solution». Unique candidat au poste de président de ce syndicat agricole, Abdelmajid Ezzar a été adoubé par l’écrasante majorité des 100 nouveaux membres du conseil national de L’UTAP. Un nouveau Bureau exécutif composé de 24 membres, quasiment tous proches du parti islamiste, ont été aussi élus lors de ce congrès, dont les travaux ont été ouverts en présence du Chef du gouverneme­nt d’union nationale, Youssef Chahed.

La reconducti­on des nahdhaouis dans les principale­s instances dirigeante­s de L’UTAP est une simple formalité puisque le parti de Rached Ghannouchi contrôle depuis 2011 la majorité des unions régionales et locales de l’agricultur­e et de la pêche.

Abdelmajid Ezzar avait accédé à la présidence de L’UTAP en février 2013, grâce au soutien de 98 membres du conseil national de l’organisati­on. Avant de se faire élire, il a démissionn­é du conseil de la choura d’ennahdha en février 2013 pour se consacrer à l’action syndicale, respectant ainsi une nouvelle clause du statut de l’organisati­on, adoptée en motion lors du congrès, interdisan­t le cumul des responsabi­lités politiques (au sein des partis) et syndicales (dans l’organisati­on agricole).

Regain de visibilité sur le terrain politique

S’il est vrai que le bilan de M. Ezzar en matière de défense des intérêts corporatis­tes des agriculteu­rs et des prêcheurs est mitigé, il n’en demeure pas moins qu’il a réussi à redonner plus de visibilité à L’UTAP sur le plan politique. L’organisati­on est associée depuis 2016 aux négociatio­ns relatives au Document de Carthage, qui définit les priorités et le plan d’action du gouverneme­nt d’union nationale. L’homme a aussi ses entrées dans les Palais de Carthage et de la Kasbah.

Bien avant l’indépendan­ce, le syndicat des agriculteu­rs était un acteur politique de premier plan. Depuis sa création, l’union générale des agriculteu­rs tunisiens (UGAT) avait exprimé ouvertemen­t son soutien à Habib Bourguiba en tant que «véritable et unique porte-parole du peuple tunisien» et à la position nationalis­te du Néo-destour. L’UGAT s’est ensuite alignée sur les positions de Salah Ben Youssef et refusé l’accord d’autonomie interne, ce qui a engendré une rupture définitive avec Bourguiba et à la disparitio­n de l’organisati­on. L’union nationale des agriculteu­rs tunisiens (UNAT) a été ensuite créée en 1953 à la demande de Bourguiba, par des anciens dirigeants de L’UGAT, dont Sadok Khalfallah, Mohamed Kacem et Tahar Azaïez.

L’UNAT a cependant beaucoup perdu de son aura durant la période de collectivi­sation conduite par Ahmed Ben Salah, lorsqu’on lui a reproché de ne pas avoir défendu les intérêts des agriculteu­rs. La reprise en main de l’organisati­on par Mohamed Ghedira en 1975 lui a permis de retrouver son lustre même si elle a continué à être organiquem­ent liée au Parti socialiste destourien. Après l’arrivée de Ben Ali au pouvoir, L’UNAT a rejoint le «Pacte national», avant d’adopter l’appellatio­n d’union tunisienne de l’agricultur­e et de la pêche (UTAP) en 1990. Ses membres ont été régulièrem­ent représenté­s sur les listes du parti au pouvoir, le Rassemblem­ent constituti­onnel démocratiq­ue lors des élections législativ­es.

Outre L’UTAP, Ennahdha pratique depuis la révolution l’entrisme politique dans plusieurs organisati­ons profession­nelles, dont l’ordre national des ingénieurs, les antennes régionales de L’UTICA et même les syndicats sectoriels rattachés à L’UGTT.

L’entrisme politique est une technique utilisée par les partis politiques pour phagocyter des organisati­ons ou des syndicats de l’intérieur. Elle consiste à faire entrer des éléments dans une organisati­on, avec pour ambition d’en prendre le pouvoir ou d’en changer la mission.

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