Le Temps (Tunisia)

Après le retrait américain, l'europe au pied du mur

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Le retrait des Etats-unis de l’accord sur le nucléaire iranien mardi 8 mai tend davantage les relations transatlan­tiques. Et met l’europe face à ses propres défis.

Si ce n’est pas encore une rupture, cela s’en approche. Le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien complique un peu plus les rapports entre les Etats-unis et ses alliés européens, déjà malmenés par un an d’une politique de Donald Trump basée sur son sacro-saint principe de l’«america First», l’amérique d’abord. Depuis l’arrivée du président américain à la Maison Blanche, les Européens se prennent claque sur claque. Sur l’otan d’abord, pour laquelle il a fallu arracher à Donald Trump une référence à l’article 5 qui prévoit que les alliés viennent au secours d’un Etat attaqué, alors qu’il n’avait en tête que l’idée de faire payer davantage les Européens. Sur le climat aussi, avec le retrait de l’accord de Paris. Ou encore le commerce et l’instaurati­on de taxes douanières sur l’acier et l’aluminium dont les Européens attendent toujours d’être exemptés.

Avec le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien, une nouvelle étape est franchie. En choisissan­t de quitter l’accord, les Etats-unis s’assoient sur l’un des principes les plus fondamenta­ux du droit internatio­nal, un principe tellement ancien qu’il est désigné par une locution latine – pacta sunt servanda –, qui veut que les engagement­s pris soient respectés. Et remettent potentiell­ement en cause tout l’ordre internatio­nal. « Si un pays majeur comme les Etats-unis ne respecte pas ses engagement­s, comment croire que les accords internatio­naux peuvent constituer une garantie de sécurité collective ? » s’interroge le diplomate français Michel Duclos sur le site de l’institut Montaigne.

Les relations transatlan­tiques n’avaient pas connu pareille situation depuis 2003 et l’invasion de l’irak. Et encore… A l’époque, l’opération américano-britanniqu­e ne s’était heurtée qu’à l’hostilité de la France et de l’allemagne. Cette fois, c’est toute l’union européenne qui fait front face à ce qu’elle considère comme un camouflet et l’expression du mépris américain à l’égard de ses alliés.

Surtout qu’en annonçant le rétablisse­ment du plus haut niveau de sanctions contre la République islamique qui obligeraie­nt les entreprise­s engagées en Iran d’en sortir sous peine de représaill­es, Washington met les Européens au pied du mur : soit ils suivent sa position, soit leurs entreprise­s seront punies. Si l’union européenne a jusque-là évité la confrontat­ion avec les Etats-unis malgré leurs divergence­s, le cas pourrait être cette fois différent, estime Manuel Lafont-rapnouil, directeur du bureau Paris du European Council on Foreign Relations (Conseil européen des relations internatio­nales, ECFR). « Il ne s’agit pas simplement d’un sujet sur lequel les deux parties sont en désaccord, mais d’un possible sujet de crise transatlan­tique », affirme-t-il.

Or les trois grandes puissances européenne­s semblent bien décidées à préserver un accord obtenu aux forceps à l’issue d’âpres négociatio­ns. Pour Paris, Londres et Berlin, la sécurité de la région en dépend. Malgré l’opposition des faucons iraniens, partisans d’une reprise des activités nucléaires, le président Hassan Rohani ne compte pas pour l’instant abandonner l’accord. « Je pense qu’il y a deux raisons pour lesquelles les Iraniens essaieront de jouer le jeu. La première, c’est qu’il vaut mieux pour eux garder les Européens de leur côté. La seconde, c’est qu’en continuant à respecter scrupuleus­ement l’accord, ils décrédibil­isent la position d’israël et de Donald Trump », avance Nicholas Dungan, directeur de recherche à l’institut de relations internatio­nales et stratégiqu­es (IRIS). Encore faut-il que les entreprise­s européenne­s acceptent de poursuivre leurs activités en Iran. Leurs chanceller­ies planchent pour trouver des solutions les protégeant des sanctions de Washington, mais cela suffira-t-il ? Entre les promesses offertes par un pays émergent et le risque, même minime, de se voir fermer l’immense marché américain, le choix pourrait être vite fait…

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