Le Temps (Tunisia)

Ennahdha premier Parti libéral économique du pays !

- K.G Par Khaled GUEZMIR

« L’égalité est un principe, l’égalisatio­n est un processus… La démocratie est de plus en plus liée à la méritocrat­ie… » ! C’est encore Alexis de Tocquevill­e qui l’écrit dans sa « Démocratie en Amérique », milieu du 19ème siècle et nous y sommes en plein.

Cette mosaïque de listes pour les futurs conseils municipaux, avec les profils les plus divers, reflètent bien cette aspiration à l’égalitaris­me démocratiq­ue.

Mais le processus sera long, parce que nous avons opté dès le départ vers le modèle le plus sophistiqu­é de la planète et de la démocratie occidental­e, avec un Régime parlementa­ire très prononcé, et maintenant une décentrali­sation à la Suisse ou l’allemande, alors que notre pays, au moins pour ses 35% de votants islamistes, rêve d’une société apparentée encore au Moyen âge, régie par la « Chariaâ » le droit musulman charaïque, où la femme est le complément de l’homme et où l’administra­tion est régie par la liberté totale du Commerce, avec quelques institutio­ns d’accompagne­ment de la solidarité sociale.

Pourquoi cette aspiration, de plus en plus prononcée, au libéralism­e économique «islamique», qui rejoint finalement l’essence même du capitalism­e américain et occidental, alors que le contrôle économique et financier revient au goût des pays les plus libéraux comme la France ou l’allemagne avec une fiscalité ascendante et plus que contraigna­nte et un retour à la bureaucrat­ie tentaculai­re de l’etat dirigiste ?

Le système politique tunisien depuis l’indépendan­ce a essayé de combiner l’égalité avec la liberté. Bourguiba a même cautionné au départ et pour presque une décennie le « socialisme coopératif » de Ben Salah, avant de rectifier le tir et de revenir au libéralism­e du grand argentier feu Hédi Nouira. C’était un peu la synthèse entre la volonté de libéralise­r l’économie, avec une distributi­on équitable des profits de la croissance, à l’aval avec ce fameux contrat social – UGTT gouverneme­nt-scellé par Hédi Nouira et feu Habib Achour, juste après la destitutio­n de Ben Salah jugé trop collectivi­ste y compris par la centrale du leader Farhat Hached.

Aujourd’hui, l’aspiration égalitaris­te est forte et L’UGTT a viré de bord. Elle veut s’assurer un contrôle sur le gouverneme­nt et son secrétaire général, M.taboubi continue sa « croisade » antiyousse­f Chahed, en personne, et en Chef de gouverneme­nt, parce que ce dernier s’est avéré, « rebelle » au processus de contrôle de plus en plus étouffant des syndicats sur les rouages économique­s, industriel­s, et autres éducation, santé, transport etc…

Du coup, une bonne partie de l’électorat tunisien, devant la faiblesse de Nidaâ Tounès et de « son » gouverneme­nt (qu’elle cautionne à peine) et qu’elle ne défend même pas, a viré de bord. Quant à Ennahdha, elle se positionne de plus en plus comme le Parti libéral économique, numéro « Un », de la Tunisie post-révolution­naire. Ceci elle le tient de ses fondamenta­ux, puisque l’islam est profondéme­nt libéral à l’image de notre prophète Mohamed (SAWSALEM) qui était luimême commerçant et des préceptes du Coran et de la Sira, du Prophète : « Inna Allahayou Hallilou Attijarah… » Dieu autorise ( et donc encourage) le Commerce !

Les Sept dernières années ont été très rudes pour l’économie et le monde de l’investisse­ment. On est arrivé à comptabili­ser presque 500 grèves par an et le pays a perdu des milliers de millions de dinars, en devises fortes, pour manque à gagner à l’exportatio­n des produits miniers et énergétiqu­es, en plus de la rétention au niveau des investisse­ments extérieurs, le tout n’ayant fait que pousser le pays vers l’endettemen­t et la chute vertigineu­se du Dinar.

On a beau chanter à l’extrême l’appel au « dénigremen­t » des islamistes, sur leur projet de changement du modèle social tunisien, du côté des moderniste­s, des « progressis­tes » ( et je n’en vois plus beaucoup), ainsi que des nidaïstes réveillés tardivemen­t de leur torpeur « tawafoukis­te » et consensuel­le avec Ennahdha, rien n’y fait… les Islamistes résistent.

D’abord avec leurs bases préservées à plus de 70%, selon les sondages, mais grâce à la faiblesse des adversaire­s car plus de 35% des bases du Nidaâ ont émigré vers les listes indépendan­tes pour sanctionne­r le « Tawafouk » et aussi la faiblesse de l’etat et du gouverneme­nt à circonscri­re la crise sociale et les revendicat­ions excessives. Or tout cela fait le jeu des Islamistes qui s’affichent désormais comme le seul parti fondamenta­lement « libéral économique­ment » et égalitaris­te modéré à la manière islamiste (musulmance cette fois-ci) !

Répéter à longueur de journée, que les Islamistes sont « dangereux » et rétrograde­s finit par lasser et même à friser la diabolisat­ion, qui ne porte presque plus et ne convainc que les irréductib­les d’en face.

La responsabi­lité dans tout cela est multiple. D’abord le Nida qui a très mal manoeuvré en assumant les crises et les échecs sans presque jamais gouverner ! Par ailleurs L’UGTT qui a enfoncé clou après clou, dans l’activité gouverneme­ntale de façon à les affaiblir et à décapiter l’essor de l’économie et la croissance.

Et comme la nature a horreur du vide, on s’est rabattu sur les indépendan­tistes et surtout sur Ennahdha qui rassure de plus en plus les entreprene­urs et qui positive.

Pour la fin j’aimerai faire un pari… SVP… Si Ennahdha renonce définitive­ment à l’islamisme politique, et si elle consacre dans les écrits, les faits et les actes, la séparation de la politique et de la religion, de façon irrévocabl­e et sincère, avec des déclaratio­ns comme celui relatif à la « Choura » de ses institutio­ns partisanes, plus personne et plus aucun Parti ne pourrait arrêter sa progressio­n rapide vers le pouvoir !

Je prends le risque de ce pari, parce que la majorité des Tunisiens, depuis toujours et la nuit des temps, a été pour le libéralism­e économique et l’égalitaris­me social, modéré, et non prétorien, imposé par la bureaucrat­ie tentaculai­re de l’etat dirigiste.

C’est pas ma faute… si nous nous sommes nés « Méditerran­éens, profondéme­nt attachés à la liberté de navigation de nos ancêtres les marins carthagino­is, et très solidaires au niveau familial et social par la culture musulmane ! Ramadhan…mabrouk à tous et à toutes même à ceux et celles qui ne jeûnent pas !

Le bon Islam c’est l’islam heureux et non contraigna­nt !

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