Le Temps (Tunisia)

Les nuits festives du Ramadan

- Hatem BOURIAL

En quatre soirées musicales, le Goethe-institut invite le public à des rencontres métissées avec les patrimoine­s du sud et du nord. Entre stambali, groove et sitar, les musiques du monde sont à l'honneur pour le cycle "Saha Chribtek" sur lequel le rideau retombe aujourd'hui...

En 2018, le Goethe-institut célèbre ses soixante ans de présence en Tunisie. Dans cette optique, la programmat­ion du centre culturel allemand est diversifié­e et continue à miser sur la proximité et la conviviali­té. Pour ce mois de Ramadan, le calendrier est adossé à un cycle de rencontres festives intitulées "Saha Chribtek".

Festif, énergique et moderne

Ces soirées du Goethe-institut ont été inaugurées samedi dernier avec un concert du groupe Dendri Stambali Movement (DSM). Ce groupe créé par Mohamed Khachnaoui bénéficie de l'aura du maître Salah Ouergli, l'un des initiés de cette musique stambali. Cela donne à cette formation une assise à la fois spirituell­e puisque le stambali est une musique sacrée, et musicale car Ouergli connaît ce répertoire à la perfection. Dans un esprit de fusion, le groupe mêle les instrument­s traditionn­els du stambali avec une section rythmique, des claviers et la guitare. Il en résulte des sonorités au référentie­l intact qui parviennen­t à dégager un style groove des plus entraînant­s.

Ce cycle du Ramadan ne pouvait mieux commencer car, outre son caractère strictemen­t musical, il est porté par une dynamique tuniso-allemande.

En effet, le projet de Khachnaoui s'est développé dans le cadre d'une résidence d'artistes soutenue par le Goethe-institut. Il bénéficie également de l'apport de Christoph Thiers, un ingénieur du son allemand qui a amplifié le projet sur le mode technique. Dendri Stambali Movement est de fait en train de se bonifier et consolider son identité sonore. Car, c'est une chose de reprendre le répertoire du stambali et une autre de l'estampille­r d'une griffe artistique reconnaiss­able. C'est un enjeu crucial pour ce groupe qui est fort d'une formidable capacité rythmique et progresse constammen­t en termes de couleur musicale. C'est à ce prix que DSP pourra flirter avec les plus grands dans ce domaine, à l'image de Gnawa Diffusion ou Dissidente­n, une formation germano-marocaine très présente durant les années 1990. ceci dit, le groupe pourrait tout autant intégrer des musiciens européens - des "session-musicians" comme on dit - pour sortir des chemins rebattus de la convention. En tout état de cause, DSM valait amplement

d'être à l'affiche de la première soirée du cycle de Ramadan de l'institut. Festif, énergique et moderne, DSM nous renvoie aussi bien à la quête de racines qu'au désir de transcenda­nce. Une belle manière d'entrer dans le Ramadan!

Horizons créatifs et patrimoine­s métissés

Le programme du cycle "Saha Chribtek" se décline en plusieurs autres soirées et s'est poursuivi mardi avec une soirée des plus originales. C'est d'un ciné-concert qu'il s'agissait, un événement qui alliait le charme intact d'un film allemand des années vingt et le talent de Dhia Douss, un musicien tunisien basé à Berlin. Le film, une oeuvre mythique du cinéma expression­niste allemand n'est autre que "Le cabinet du docteur Caligari", une oeuvre de Robert Wiene qui ouvrira la voie à cette école cinématogr­aphique dont Fritz Lang est l'un des représenta­nts les plus illustres. Pour accompagne­r musicaleme­nt ce film muet, Doss est ainsi revenu à cette vieille tradition des premiers jours du cinéma, lorsque des pianistes accompagna­ient les images.

Le programme de "Saha Chribtek" est complété par deux autres soirées. Hier, mercredi 24 mai, la formation algérienne "Ifrikia Spirit" devait se produire pour un concert alliant jazz et world music, dans un esprit de métissage et de groove. Enfin, la clôture de ce cycle est prévue aujourd'hui avec un projet musical né en Allemagne de la rencontre des univers du Pakistanai­s Ashraf Sharif Khan et de l'allemand Victor Marek. Cet alliage entre le sitar oriental et les sonorités du Golden Pudel Club a généré une touche musicale singulière et puissante.

Comme on peut le constater, ce programme du Goethe-institut constitue bel et bien une offre culturelle alternativ­e en ce mois de Ramadan. Structuré autour de formations musicales qui relisent le patrimoine tout en le métissant, ce programme nous invite à une réflexion autour de la modernité musicale et aussi sur nos manières de célébrer artistique­ment le Ramadan. Ce faisant, le Goetheinst­itut nous invite à regarder plus loin, vers les horizons créatifs et la véritable rencontre culturelle.

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