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Les Tunisiens et plus particulièrement les habitants de Tunis, les tunisois, ou du moins une bonne partie d’entre eux , continuent de croire que la capitale est miraculeusement protégée contre les menaces de toutes sortes par le bouclier de saints qui l’entoure de toutes parts, comme un rempart imprenable, sous la conduite du plus ancien d’entre eux, Sidi Mehrez Ben Khalef, originaire de l’ariana, promu patron de Tunis, et dont le mausolée trône au beau milieu du quartier de Bab Souika, autrefois un simple faubourg, secondé, au Sud, par le grand saint de l’islam Sidi Abou Hassen Chadhli sur le mont Jellaz et un peu plus loin, par Sidi Fathallah. Puis, à l’ouest, Sidi Ali Hatteb et Sidi Ahmed Denden, relayés, à la périphérie nord, dans la ville de l’ariana même, par Sidi Amor qui combattit les croisés de Saint Louis, et d’autres nombreux saints enterrés dans le cimetière local, à l’instar de Sidi Ahmed Ennahli qui a donné son nom à la localité et au parc Ennahli. Viennent, ensuite, plus au Nord, les grands saints inhumés à Carthage et dans le cimetière de la Marsa, Sidi Abdelaziz Mehdaoui, Sidi Yacoub Essayed, Sidi Salah Bou kabrine et la sainte Lalla El Marraqchia. Puis, dans leur voisinage immédiat, Sidi Bou Said , dans la ville qui porte son nom, Sidi Dhrif, et à proximité des ponts puniques de Carthage, la sainte Sallouha, fille de Sidi Bou Said. La boucle se boucle, à la Goulette, avec le saint Sidi Chérif. Il faut y ajouter, aussi, le grand saint Sidi Ahmed Ben Arous enterré dans son mausolée, au coeur de la Médina de Tunis, et la grande sainte Sayda Manoubia, à laquelle est dédié le quartier connu sous le nom de Sayda, sur la colline de Monfleury, mais dont le mausolée se trouve à la ville de Manouba. Avec ces grands saints historiquement connus et possédant des mausolées servant de lieux à leur vénération, est venue, toutefois, se mêler, au fil des époques, toute une cohorte de petits saints anonymes dont l’existence n’est connue, de nos jours, que par les nombreuses rues de la Capitale qui portent leurs noms, tels Sidi Bou Hadid et Sidi Abdallah Guèche, dans la zone de Hafsia, Sidi Sourdou, et Sidi Khadhay El Hawaij, du côté de la rue Essabbaghine, Sidi Soufiane et Sidi Ghrib, dans la zone de Bab el Khadhra, Sidi Bou Mendil et Sidi Béchir, du côté de Bab Alioua, et la liste est longue.
Le mystère de ces petits saints anonymes, appelés aussi marabouts, est d’autant plus grand que les avis des habitants sont partagés à propos de leur existence. Interrogés, certains habitants admettent qu’ils ont existé réellement, car, font-ils remarquer, les noms de simples personnes portés par les autres rues correspondent à des personnes réelles qui avaient effectivement existé et il n’y a pas de raison plausible pour que ce ne soit pas ainsi, concernant les saints dont certaines rues portent encore les noms. Par contre, d’autres habitants, plus sceptiques, mettent en doute leur existence, arguant du fait qu’autrefois, les familles riches, craignant d’être dépossédées de leurs richesses, par des rois injustes, avaient pensé à ériger de petits mausolées dédiés à des saints fictifs dans lesquels ces familles fortunées avaient caché leur argent en or, car les lieux saints comme les mausolées des marabouts étaient inviolables. Ces sceptiques ajoutent que dans le meilleur des cas, quelques uns de ces nombreux saints anonymes étaient des insuffisants mentaux se prévalant d’une origine chérifienne ou maraboutique qui a encouragé la population à les vénérer. Ils signalent le cas de Sidi Amor Fayèche, un insuffisant mental promu au rang de saint, que des citoyens encore vivants ont vu, et celui de Sidi Ali Bou Rigua, à Hammam Lif, dont le nom, le baveur, prouve qu’il était un insuffisant mental.
Pour leur part, les spécialistes reconnaissent que sur le plan purement historique, il est établi par de très nombreux exemples que les lieux de culte et les sanctuaires sacrés changent de vocation au gré des circonstances en fonction du changement des maîtres de l’endroit et du pays, de sorte qu’une église, par exemple, se transforme en mosquée suite au changement des maîtres de l’endroit et inversement, une mosquée se transforme en église. Ils notent que certains saints anonymes sont très probablement des survivances de cultes païens très anciens comme c’est le cas, sans doute, de Sidi Abdallah Guèche dont le nom Guèche est celui d’une ancienne divinité berbère. Ils n’écartent pas que la mosquée de la Zitouna, ou la mosquée de l’olivier, autour de laquelle avait été fondée la ville de Tunis, aux premières époques de l’islam, en Tunisie, ait été bâtie sur l’emplacement d’un ancien lieu de culte païen dédié à l’esprit de l’olivier, car, notent-ils, l’olivier est encore l’objet de vénération populaire en Tunisie et en Algérie, tandis que le site de Tunis était, jadis, une grande oliveraie semi sauvage, comme l’attestent plusieurs preuves.
Mais, au-delà de la signification réelle de tous ces saints et marabouts anonymes, soulignent-ils, le patrimoine maraboutique tunisien, entre autres, avait été instrumentalisé. Sous l’administration coloniale française, ont-ils dit, on a assisté à des essais de ce genre à travers la propagation de récits fabriqués par des français prétendant que Sidi Bou Said n’est autre que le roi de France, connu sous le nom de Saint Louis, ou encore les autres récits donnant une origine française à la sainte Sayda Manoubia, alors que le grand leader nationaliste, Abdelaziz Thâalbi, avait été poursuivi en justice et incarcéré, vers 1919, sous le protectorat français, pour diffamation des saints, à l’instigation des habitants de Tunis, manipulés par quelques opportunistes malintentionnés.
SALAH BEN HAMADI