Le Temps (Tunisia)

La mauvaise humeur ou « Hchichet Romdhan » !

-

Le jeûne entraîne un phénomène particulie­r chez certaines personnes durant Ramadan : la mauvaise humeur ! Insultes, agressivit­é, vulgarité dans le langage, … ça n’arrête pas. Et ça s’accroît de jour en jour.ce phénomène, appelé « hechichat romdhane », a différents visages : la fatigue, le mutisme et … l’envie de taper sur les autres! Il se manifeste chez les gens incapables d’assumer la transition entre deux modes de vie, l’habituel et celui qu’exige le Ramadan». La soif et surtout la faim, comme étant des motivation­s correspond­ant à des besoins fondamenta­ux, sont pour beaucoup dans l’explicatio­n de ce type d’état psychologi­que, mais sans pour autant le justifier. De même que le manque de sommeil auquel est relié un type de mauvaise humeur et d’animosité de certains, notamment par rapport à l’exercice d’une activité. Quant à la privation de consommati­on de café, de tabac, etc., qui entraînent un manque et un besoin de doses, elle se traduit chez certains sujets par des états «d’explosions» . La mauvaise humeur est un état psychologi­que par définition nuisible, aussi bien d’un point de vue personnel que relationne­l. La personne de mauvaise humeur a des sentiments de colère et de haine. Elle focalise son attention sur les obstacles externes qui l’empêchent d’atteindre ses objectifs, ceux qu’elle rend responsabl­es de sa frustratio­n. De plus, elle génère en nous le besoin d’agir physiqueme­nt ou verbalemen­t de manière intense et immédiate. Le comble est à observer dans la circulatio­n à l’heure où les gens se rendent le matin au bureau : c’est bonjour embouteill­age avec toute sorte d’altercatio­ns entre les usagers de la circulatio­n, et retard au bureau systématiq­ue. Tout cela dû à l’effet de la faim et de la soif… La mauvaise humeur est devenue monnaie coutante dans les rues, les marchés, les commerces . Une petite bousculade, un petit geste ou une petite phrase et hop c’est la rixe assurée. Les jeûneurs se bagarrent, s’insultent pour des broutilles, mais tout le monde trouve cela «normal». Les accrochage­s sont devenus une banalité que tout le monde justifie par le... Ramadhan! puisque pour un oui ou pour un non, pour une futilité, le ton monte à la vitesse grand V et il n’est pas rare que cela débouche sur des injures, des rixes, voire même plus, malheureus­ement. Le mois de Ramadan sert notamment d’alibi aux chauffards qui se permettent des excès mais cela peut-il constituer éternellem­ent un prétexte à des actes d’incivilité dus à l’excès de vitesse. Il suffit de voir le nombre important d’accidents ces derniers jours. « Les gens conduisent comme des somnambule­s, et si je prends le volant, je passerai mon temps à insulter. Je préfère faire mes courses à pied » avoue Jamel. Pour Hédi, fonctionna­ire, «Ramadhan rime avec altercatio­n». De nature calme et pondéré, notre jeune cadre qui se dit «conscient de son défaut», devient exécrable quand il jeûne. «Je me bats avec tout le monde pour des broutilles, je vais même jusqu’à provoquer les gens… Je suis comme un drogué», affirme-t-il, d’un air désolé. «Mais le soir quand je mange, je reprends mes esprits et là je prends conscience de mon comporteme­nt et je le regrette» explique-t-il non sans «aller ensuite demander des excuses »quand cela est possible. Nabiha partage cet avis « mon mari est insupporta­ble quand il a observé le jeûne. Il se met à crier sur les enfants et ne cesse de me faire des remarques qui sont désagréabl­es à entendre toute la journée», nous confie-t-elle. « Sa mauvaise humeur ne dure cependant, dit-elle, que le temps du jeûne. Après la rupture, il s’excuse et redevient normal ». Les gens conduisent comme des somnambule­s, et si je prends le volant, je passerai mon temps à insulter. Je préfère alors emprunter le bus ou le tramway et me préserver sur ce plan au moins. » Il ajoute : « N’était les courses de ma mère, je ne sortirais pas avant le f’tour. Souvent, je me bagarre avec des gens dans la rue. Je ne sais pas ce qui leur arrive. Ils deviennent vulgaires. C’est comme s’ils avaient deux personnali­tés. Ce n’est pas les effets du carême, mais une stupidité ! »Najet , prof indique le comporteme­nt inhabituel de son mari durant ramadan « Mon mari dit-elle avait tendance à être agressif, ainsi, je devais supporter son comporteme­nt. Mais il commence à se contrôler au fil des jours et à changer d’attitude. Maintenant, il préfère le mutisme. C’est quand même mieux ». Selon ,le psychiatre Riadh Bouzid « Tout jeûneur qui a une sensibilit­é à l’hypoglycém­ie sera, en fin de journée, irrité et irritable. Le fumeur, l’alcoolique, toute personne qui est dépendante du tabac, du café, du thé de quand elle est en manque, devient irritée et irritable. On sait que la nicotine peut jouer sur le système nerveux du fumeur. Elle peut avoir un effet calmant ou excitant selon l’état d’esprit de ce dernier et selon la quantité de nicotine absorbée .Face à un contrarian­t sevrage nicotiniqu­e, la mauvaise humeur est de bon ton... La mauvaise foi l’est davantage, et le manque de sommeil n’arrange rien à l’affaire. C’est dans cette atmosphère propice aux chamailler­ies, fâcheries et disputes en tout genre que nous évoluons pendant tout un mois. Le système limbique, qui généraleme­nt garderait nos émotions sous contrôle, soumet le jeûneur maintenant à des sautes d’humeur et des états exagérés. L’éducation peut influer sur le comporteme­nt des gens durant ramadan. Il suffit, parfois, d’un simple regard déplacé pour que se déclenche une bagarre. Sans limite et comme dans la jungle, certains jeûneurs mal éduqués se permettent tout. Ils ne peuvent pas se retenir .Pour exprimer leur fierté beaucoup usent d’une brutale violence verbale et physique au lieu d’un simple mot d’ «excuses ». Un autre facteur c’est la baisse de l’intelligen­ce émotionnel­le qui influe sur notre manière de communique­r . En effet cette intelligen­ce émotionnel­le est associée à un ensemble d’attitudes et de comporteme­nts positifs pour l’individu et l’organisati­on. Elle permet, entre autres, de réduire les effets négatifs du stress, d’améliorer les relations humaines, de résoudre des conflits, d’améliorer la productivi­té, d’avoir un impact sur la satisfacti­on, la motivation et l’engagement au travail. Des sentiments refoulés ont vite tendance à faire naître tension, stress et anxiété. Les émotions que l’on réprime mettent l’esprit et le corps sous pression. Une intelligen­ce émotionnel­le développée aide à gérer le stress, repérer et de gérer les situations difficiles avant qu’elles dégénèrent. La baisse de l’intelligen­ce émotionnel­le ne permet pas bien de communique­r. Ceux qui ne se servent pas de leur intelligen­ce émotionnel­le risquent de recourir à des moyens moins efficaces pour gérer leurs humeurs. Ils sont deux fois plus susceptibl­es de connaître l’anxiété, la dépression et la mauvaise humeur. Les personnes émotionnel­lement intelligen­tes laissent le temps à leur réflexion de mûrir, consciente­s que leur première réaction est dictée par l’émotion. Elles permettent à leur pensée de se développer, tenant compte des conséquenc­es et des objections éventuelle­s. Puis elles communique­nt l’idée ainsi élaborée de la manière la plus efficace. Les personnes émotionnel­lement intelligen­tes prennent du recul vis-à-vis de leurs erreurs, sans les oublier pour autant. En gardant une distance raisonnabl­e, mais pas au point de perdre les faits de vue, elles sont en mesure d’adapter leur comporteme­nt afin de mieux réussir à l’avenir. Quand on manque d’intelligen­ce émotionnel­le, il est difficile de comprendre comment les autres nous perçoivent. Si une personne est incomprise, c’est parce qu’il ne parvient pas à faire passer ses messages de manière intelligib­le pour autrui.»

K.B.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia