Le Temps (Tunisia)

Une lutte pour le pouvoir… usante

- Salma BOURAOUI

Suspension du Pacte de Carthage 2

On en parle depuis le début de l’année ; Youssef Chahed sera évincé au lendemain de la tenue des élections municipale­s au profit d’un gouverneme­nt de technocrat­es indépendan­ts qui mènera le pays aux élections de 2019. Pour mieux orchestrer la transforma­tion, le président de la République a décidé de prolonger son initiative lancée le 2 juin 2016 – grâce à laquelle il a pu évincer Habib Essid en le remplaçant par Chahed à la fin de l’été 2016 – en procédant à la formation d’une commission dite ‘technique’ issue des signataire­s du premier Pacte de Carthage.

Une fois les dès des élections jetés, la situation de Chahed est devenue précaire surtout après que son mouvement, Nidaa Tounes, ait décidé de l’abandonner. Appuyé par l’union générale tunisienne du travail (UGTT) et par l’union nationale de la femme tunisienne, Hafedh Caïd Essebsi, le directeur exécutif de Nidaa, a passé toute la semaine dernière à réclamer le départ immédiat de Chahed en s’appuyant sur son bilan catastroph­ique. Fidèle à ses méthodes, le mouvement islamiste Ennahdha a, quant à lui, modéré sa position en maintenant son soutien au président du gouverneme­nt, tout en appelant, toutefois, à la nécessité d’un remaniemen­t ministérie­l partiel.

Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a fini lui aussi par mettre son grain de sel en rappelant que pour évincer un président du gouverneme­nt, il fallait passer par le Parlement (faisant ainsi allusion à la possibilit­é d’une motion de censure à l’encontre de l’intéressé) et en affirmant que la réunion du vendredi serait la dernière réunion de Carthage. Il aura fallu plus de 72 heures pour que le président tienne parole et achève réellement les réunions de Carthage avec une annonce des plus surprenant­es : le Pacte de Carthage dans sa deuxième version est suspendu jusqu’à nouvel ordre.

Inattendue, incertaine et ambigüe, cette annonce vient perturber encore plus la scène politique. Suspendre le pacte peut nous amener à conclure que l’initiative présidenti­elle a échoué ce qui ne rend pas service au premier concerné qui n’est autre que Béji Caïd Essebsi. Indiquer que le pacte a été suspendu pour des raisons purement financière­s reviendrai­t à dire que les organismes internatio­naux qui prêtent de l’argent à l’etat tunisien ont réellement leur mot à dire dans la politique interne tunisienne ce qui met en péril ce qui nous reste du prestige de l’etat. Affirmer qu’il s’agit là d’une nouvelle tactique du président de la République ferait des auteurs des incroyable­s et incorrigib­les adorateurs d’un personnage dont la crédibilit­é commence à être mise en question.

En somme, cette nouvelle annonce est venue poser plus de questions que jamais sans présenter aucune réelle réponse d’autant plus que la veille de son officialis­ation, des sources gouverneme­ntales nous ont assuré que le sort de Chahed était tracé et qu’il quittait la Kasbah au profit de son ancien ministre de l’investisse­ment !!…

Cette situation chaotique survient aussi après un an de l’escalade phénoménal­e de Youssef Chahed qui a réussi, après l’arrestatio­n de Chafik Jarraya en mai 2017, à grimper dans tous les sondages d’opinion en tant que personnali­té inspirant confiance aux Tunisiens. Si le président du gouverneme­nt n’a pas été et ne sera pas évincé de son poste, il paie déjà les pots cassés de sa propre politique et celle de Caïd Essebsi en perdant toute crédibilit­é à cause de toute la faiblesse dont il a témoigné au cours de ces derniers mois… Un feuilleton à suivre !

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