Le Temps (Tunisia)

Quelle issue pour la crise libyenne ?

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Le 21 mai dernier, les ministres égyptien, algérien et tunisien des Affaires étrangères se sont réu¬nis à Alger dans le cadre du méca¬nisme tripartite des pays voisins de la Libye, afin d’examiner les der¬niers développem­ents de la crise libyenne et les horizons du proces¬sus du règlement politique. La réu-nion a annoncé son refus total de toute forme d’ingérence étrangère en Libye, qui n’aboutirait qu’à plus d’escalade, causant le trébucheme­nt du processus politique et portant atteinte à la sécurité et à la stabilité non seulement de la Libye, mais aussi des pays voisins. Cette réunion a été tenue une semaine avant l’orga¬nisation, à Paris, d’une conférence internatio­nale autour de la Libye avec la présence des quatre grands présidents libyens: Oquala Saleh, président du parlement à Tobrouk, Khalifa Haftar, commandant de l’ar¬mée nationale libyenne, Fayez Al-sarraj, président du Conseil pré¬sidentiel libyen, et Khaled Al-machri, président du Haut conseil. Cette réunion est un prélude à une initiative française visant à activer l’inertie politique existant depuis plus de 3 ans.

La réunion tripartite (Egypte-tunisie-algérie) a exprimé son refus de l’alignement de l’émissaire onu¬sien en Libye, Ghassan Salamé, sur l’initiative française. Ce dernier avait annoncé, le jour de la réunion, qu’il fallait définitive­ment tourner la page de l’accord politique que la communauté internatio­nale avait approuvé en tant que document gérant le pays jusqu’à la fin de la phase transitoir­e. L’émissaire onu¬sien a insisté sur la tenue d’élections dans un climat politique, sécuritair­e, social et économique qui n’est pas du tout favorable en ce moment. Et la France presse son choix et voit que les élections constituen­t la meilleure issue à la crise actuelle. Or, la Grande-bretagne, les Etats-unis et l’italie estiment qu’il faut parvenir d’abord à un règlement politique pour sortir de la crise avant d’organiser des élections, afin d’évi¬ter tout trébucheme­nt ou échec de n’importe quel processus politique parrainé par la communauté interna-tionale en Libye.

Les pays voisins sont aussi convaincus que la diversité des ini¬tiatives est devenue un facteur entra¬vant le processus de règlement poli¬tique et qu’il faut unir les efforts internatio­naux et régionaux afin d’éviter les échecs. De plus, n’im¬porte quelle initiative individuel­le peut, d’un côté, entraver les efforts de l’onu, visant à parvenir à un règlement politique, et, de l’autre, aggraver la crise actuelle, qui se complique de plus en plus au point de menacer l’entité libyenne dans sa totalité.

Quant à la France, qui s’engage dans un conflit ouvert avec l’italie sur les territoire­s libyens, elle estime que des élections sont l’occasion d’unir les rangs des institutio­ns libyennes. Certaines personnali­tés libyennes, dont la plupart appartien¬nent à l’ancien régime, voient que le processus électoral est une occasion de revenir sur la scène politique. Mais la situation sur le terrain ne semble pas propice à un tel choix à cause d’une forte polarisati­on qui sévit sur les territoire­s libyens.

Quant aux pays voisins, ils voient que l’initiative française est incom¬plète et que des élections ne pour¬ront pas donner naissance à une nouvelle élite apte à réorganise­r la scène libyenne. Au contraire, les anciennes élites vont renaître, sur¬tout que les forces en action ne sont pas prêtes à renoncer aux bénéfices acquis au cours des sept dernières années. Par exemple, l’egypte, qui a plus de chances que les autres par¬ties de mener des efforts réels visant le règlement, n’est cependant pas enthousias­te en ce qui concerne l’initiative française. L’algérie, de son côté, ne souhaite pas changer la scène actuelle et craint qu’un quel¬conque changement n’influence négativeme­nt ses intérêts. Quant à la Tunisie, limitrophe à l’ouest de la Libye, la région libyenne la plus peuplée, elle craint que n’importe quelle détériorat­ion sécuritair­e ne mène à une vague d’immigratio­n que la Tunisie ne peut assumer, alors qu’elle souffre d’une crise écono¬mique croissante.

Cette fois, la position des Etats voisins de la Libye concorde avec celle des Etats-unis, de l’italie et de la Grande-bretagne. Ils insistent tous ensemble à achever la phase transitoir­e et à accomplir le projet de la Constituti­on. Et ce, afin de tenir les élections sur une base forte et d’éviter que la légitimité de ces élec¬tions ne soit menacée, comme cela s’était passé après les élections de 2014, qui avaient engagé la Libye dans une crise politique et sécuritair­e sans fin. Il est nécessaire de tenir en premier lieu des élections parlemen¬taires et de reporter la présidenti­elle jusqu’à l’achèvement du cadre insti¬tutionnel de l’etat libyen, afin de remédier à la division institutio­n-nelle existante depuis plus de quatre ans.

Il incombe aux pays voisins de poursuivre leur action, afin de garan¬tir la coordinati­on et l’unificatio­n des positions envers la Libye. Ils devront guider les efforts internatio¬naux visant à réaliser le règlement politique et à sauvegarde­r leurs inté¬rêts face aux pressions des forces internatio­nales en litige sur la scène libyenne .

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