Le Temps (Tunisia)

La fusion des partis égyptiens

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Bien qu’il existe en Egypte plus de 100 partis répandus dans tous les gouvernora­ts, la société égyptienne souffre d’un grand vide politique et partisan. La majorité de ces partis n’est pas effec¬tive, au point que personne ne ressent leur pré¬sence. Même les nouveaux partis, qui ont enregis¬tré un certain succès aux élections législativ­es, n’ont aucune popularité dans la rue égyptienne. La victoire de leurs candidats n’est nullement la preuve de leur popularité. Elle exprime plutôt la popularité des candidats dans leurs circonscri­p¬tions.

Les anciens partis, nés dans les années 1970, comme le parti du Rassemblem­ent de gauche ou le Parti nassérien, ou encore le parti du Wafd, qui fêtera son centenaire en novembre prochain, souf¬frent encore de l’atmosphère politique contrai¬gnante dans laquelle ils ont travaillé pendant longtemps jusqu’en 2011. Les conséquenc­es les plus évidentes en étaient l’absence d’action parti¬sane parmi les citoyens, l’incapacité d’attirer de nouveaux membres convaincus des idées du parti et de ses ambitions politiques et économique­s, ainsi que l’incapacité de convaincre les citoyens de soutenir ses candidats dans les élections légis¬latives et municipale­s. Par conséquent, ces partis sont restés cloîtrés entre les murs de leurs sièges avec leurs vieux membres qui s’attachent encore aux souvenirs des jours meilleurs. Après la révolution de 2011, on espérait que la nouvelle donne de la vie politique permettrai­t aux partis de renforcer leur présence dans la société et parmi les citoyens, afin qu’ils puissent se construire une présence politique effective. Suite à l’amendement de la loi sur les partis en 2011 sont nés un grand nombre de partis, toutes ten¬dances confondues. Cependant, ils n’ont pas contribué à l’évolution de la vie politique de la manière que l’on espérait. Avec ce grand nombre de partis, l’idée de la fusion de partis semblables s’est imposée plus d’une fois, idée qui aurait pour conséquenc­e la formation de partis puissants de gauche, de droite ou du centre, avec un ou deux partis qui exprimerai­ent des intérêts écologique­s ou scientifiq­ues. De cette manière, nous aurions quatre ou six partis au plus, capables de susciter la concurrenc­e démocratiq­ue lors des élections parlementa­ires, présidenti­elle ou municipale­s.

Cependant, cette idée a été catégoriqu­ement refusée par les présidents et les dirigeants des partis, de crainte que la fusion ne modifie la struc¬ture du parti et ne leur fasse perdre les postes desquels ils se vantent. Ces raisons personnell­es se sont dressées en obstacle face à l’évolution de la vie partisane. De plus, l’absence, dans la loi sur les élections parlementa­ires, de la condition selon laquelle le parti doit obtenir un taux de 5 à 10 % lors des élections pour que ses membres vain¬queurs dans leurs circonscri­ptions deviennent députés du parlement a rendu possible qu’un parti soit représenté par un seul membre au parlement. Par conséquent, il n’existe pas d’incitation­s juri¬diques qui encouragen­t les dirigeants des partis à oeuvrer en vue de la fusion dans le but d’atteindre le quota qui permettrai­t au parti de participer au parlement et à la vie politique.

L’idée de la transforma­tion en un parti politique avait été soumise à « La Coalition du soutien de l’egypte », qui regroupe 400 membres du parle-ment, soit plus des deux tiers de ses sièges, dont des députés indépendan­ts et des députés apparte¬nant à différents partis. Cependant, la structure de cette coalition entrave sa transforma­tion en un grand parti qui dirigerait la vie politique et les travaux du parlement.

Bref, l’idée de la fusion des partis n’est pas nouvelle, mais elle n’a pas trouvé d’écho. De plus, la recherche d’un parti puissant qui dirige¬rait la vie politique face à deux ou trois partis qui formeraien­t une opposition efficace n’avance pas non plus. C’est ainsi que le président de la République a appelé les présidents des partis, après sa réélection, à opérer une fusion des par¬tis, afin de créer des partis qui aient une forte présence lors des prochaines élections munici¬pales et qui forment des directions capables de participer à la présidenti­elle dans quatre ans. Cette invitation a quelque peu fait bouger les choses. C’est ainsi que le parti L’avenir de la nation, qui possède 50 députés au parlement, a annoncé sa fusion avec le mouvement Nous sommes tous avec vous pour l’intérêt de l’egypte, qui n’est pas vraiment un parti au sens juridique. Quant au Wafd, il a invité plusieurs partis à une consultati­on, afin de réanimer la vie partisane. Les interpréta­tions de cette invitation étaient diverses. Le Wafd cherche-t-il à établir une fusion avec d’autres partis ou bien à former un comité de coordinati­on entre les partis afin d’engager un dialogue avec le gouverneme­nt à travers le parlement? Plusieurs figures de proue du parti ont alors confirmé qu’il n’était pas ques¬tion que le parti accepte une fusion avec d’autres partis et qu’elles préférerai­ent une coopératio­n avec les partis qui le désirent, sans pourtant déterminer les principes ou les objectifs de cette coopératio­n.

Nombreux sont les partis qui ont rejeté dès le départ l’idée de la fusion, à l’instar du Parti du mouvement national égyptien, du Parti des pro¬tecteurs de la nation (18 membres au parlement) ou encore du Parti égyptien démocratiq­ue social.

Ils ont tous officielle­ment confirmé qu’il n’était pas question d’opérer une fusion. Quant aux par¬tis qu’on peut appeler de gauche, comme le Rassemblem­ent, le Parti arabe nassérien, le Parti socialiste égyptien ou le Parti communiste égyp¬tien, leurs dirigeants ont approuvé l’idée de la fusion, mais après une étude minutieuse. En contrepart­ie, il semble que l’idée de la formation d’alliances électorale­s temporaire­s entre deux ou plusieurs partis est davantage acceptable de sorte que chaque parti demeure indépendan­t et conserve sa présence .

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