Les aléas de la vie
Le spectacle musical « Al hob zamana al harb » (L’amour en temps de guerre) d’emna Jaziri, présenté récemment au Théâtre de la ville de Tunis dans le cadre de la 36è édition du festival de la Médina, nous a permis de découvrir une jeune artiste tunisienne qui voit autrement les choses du côté de la création et de l’adaptation musicale.
Son spectacle d’une heure et demie écrit et mis en scène par Fadhel Jaziri, excusez du peu ! Oscillait entre le sérieux et la plaisanterie qui se confondaient et nous mettaient parfois en dérision. Un choix délibéré pour sortir des sentiers battus des concerts monotones qui pullulent généralement sur nos scènes et pour nous faire vivre les étapes de l’histoire qui se racontait et qui se jouait devant nos yeux. La touche de Si Fadhel était présente en filigrane, avec l’esprit de narration qui a toujours caractérisé son travail de spectacles théâtraux et musicaux depuis déjà quarante années, ajoutée à la musique révolutionnaire, voire underground d’emna Jaziri. Avec sa voix puissante, aussi bien dans les tons graves qu’aigus, cette jeune artiste a joué et chanté avec sobriété et brio. C’est l’histoire de Zina qui travaille dans un cabaret qui rencontre Jamil, un médecin chirurgien. Leurs prénoms sonnent d’emblée semblables, une coïncidence et une similitude qui ne reflètent pas réellement leur vie difficile. Une histoire d’un amour fort qui aboutit pourtant au mariage, mais qui sera arrêté et brisé du fait du voyage de Jamil pour aller soigner les blessés d’une guerre qui sévit. Les membres de l’orchestre participent au spectacle jouant le rôle du narrateur avec un humour froid. La vie artistique, l’amour et la mort constituent en fait la toile de fond de ce spectacle. Les chansons sont elles aussi sont entre celles de variété et humoristiques. Elles sont puisées du patrimoine musical tunisien et égyptien, à l’instar de la chanson de Salah Khémissi « Habbouni weddallalt » réarrangée pour la circonstance au niveau des paroles et de la composition. De même que pour la chanson d’asmahan : « Ya habibi tâala. » Ce mélodrame se présentait en tableaux successifs pour mettre en relief la vie d’une passionnée amoureuse. Les chansons nouvelles ou anciennes étaient revisitées avec une touche d’aujourd’hui. Le Rock, le Jazz, le Blues côtoyaient les sons de la musique arabe. Un spectacle beau et triste, visuel et joyeux où Emna Jaziri s’était donnée à fond pour incarner le personnage principal tourmenté par les aléas de la vie.
Lotfi BEN KHELIFA