Des hommes et peu de femmes
Dans la première partie de notre article, nous nous sommes attachée à deux points mis en exergue par «Une modernité tunisienne 1830-1930». Après ces deux pauses historiques, nous continuons la
Outre «l’abolition» de l’esclavage, Ahmed Bey Ier a brillé de modernité dans d’autres domaines. Il a, notamment, fondé, en 1840, l’ecole militaire du Bardo pour encadrer l’armée régulière d’officiers valables et leur donner une formation moderne à l’européenne. Il a, entre autres, réorganisé l’enseignement secondaire et supérieur. L’éducation est également mis en exergue dans cette exposition de la «modernité tunisienne 1830-1930». Toute une partie y est consacrée avec la mise en avant du collège Sadiki, considéré comme le premier lycée moderne du pays, et fondé, en 1875, par Kheireddine Pacha (personnalité très présente à travers l’exposition, et pour cause !), agrémentée de photos d’élèves, d’enseignants ou de salles de classes, entre 1897 et 1910, et même un livret où sont dactylographiés les différents prix attribués aux élèves et ouvert à la page dans laquelle l’écrivain Mahmoud Messaâdi, alors en classe de première, en 1931, reçoit presque tous les honneurs.
Toujours côté éducation, l’exposition fait référence à la Khaldounia, «première école moderne fondée sur un modèle associatif en 1896» dont les membres et le président sont élus ; là aussi agrémentée de photos du début du 20e siècle.
Ces deux institutions éducatives ont formé nombre d’hommes à devenir les défenseurs d’une Tunisie libre de tout joug colonisateur ou «protectoral», soit à travers la culture, soit à travers des pensées et des actions nationalistes.
Justement question culture, les arts de la photographique, du cinéma, de la musique, et de la céramique sont présents avec la mise en vitrine d’anciens appareils photographiques et de projection, la diffusion du premier court métrage tunisien, «Zohra» (1922) de Samama-chikli, l’exposition d’instruments de musique et d’un gramophone, et des plats revisités.
Outre ces arts, l’expo présente, également, visite de cette exposition au musée de la Cité de la Culture ; une exposition qui montre l’évolution de notre pays durant une période déterminée et qui se tient jusqu’au 15 juin. des oeuvres picturales, «peintures de chevalet», comme «L’arrestation» d’aly Ben Salem (bien qu’elle date de 1935 et que la période de l’expo va de 1830 à 1930), «La fileuse» de Hédi Khayechi (1916), «Le pêcheur de La Goulette» de Pierre Boucherle (1921) ou encore «Le rabbin» de Maurice Bismuth (1911) ; un choix voulu pour montrer que la Tunisie était terre d’accueil et ouverte, d’une manière désirée ou non, à l’acceptation de la culture d’autrui.
Une grande «fresque» avec des personnages en relief est consacrée à Taht Essour, ce groupe d'intellectuels, toutes disciplines confondues qui se réunissaient dans un café homonyme situé dans le quartier populaire de Bab Souika. Parmi eux, Abou el Kacem Chebbi, Tahar Haddad, Abdelaziz El Aroui, Abderrazak Karabaka, Mustapha Khraïef, Hédi Jouini, Hédi Laâbidi, Zine el-abidine Snoussi, Khemaïs Tarnane et Ali Douagi.
Qui dit pensée, dit culture et surtout lecture, avec la présentation de quelques Unes de journaux en langues étrangères comme «L’avvenire di Tunisi» ou encore «Le cri de Tunis», et en langue arabe à l’instar de «El Tounsi» et «Karakouz» ; journaux qui ne pourraient être sans la linotype, «machine de composition au plomb qui utilise un clavier alphanumérique à 90 caractères permettant de produire la forme imprimante d’une ligne de texte d’un seul tenant» et qui a dicté sa loi dès 1900. Communiquer est également le souci de la poste. Un panneau explicatif nous apprend que «l’office postal tunisien moderne est né en 1888 et assurait au départ un service de 25 recettes et huit centre de distribution. Le réseau télégraphique comprenait 2 bureaux portant sur 3500 km. Les premières lignes téléphoniques assuraient la liaison Tunis-goulette-la Marsa». Un TGM avant l’heure ! Beaucoup d’hommes sont présents dans cette exposition, tels que Giuseppe Raffo (1792-1862, l'un des plus proches conseillers du souverain Ahmed Bey Ier), Ahmed Ibn Abi Dhiaf (18031874), Abdelaziz Thaâlbi (1876-1944) ou encore Mohamed Ali Hammi (18901928).
Sur six femmes présentes (trois en peinture, dont une dans le fond, une parmi les membres de «Taht essour», et «Zohra»), une seule et unique est «réelle» : Tawhida Ben Cheikh. Née le 2 janvier 1909, elle est la première élève musulmane tunisienne à obtenir le bac et la première femme musulmane du Monde arabe à exercer en tant que médecin, pédiatre et gynécologue. A part Tawhida Ben Cheikh, on a l’impression que la femme tunisienne n’a pas participé, d’une manière ou d’une autre, à la modernité de la Tunisie entre 1830 et 1930…
Zouhour HARBAOUI