Le Temps (Tunisia)

Retour à la normale

- Rym BENAROUS

«On veut nos primes de l›aïd et peu importe si des patients dans un état critique décèdent car ils ont besoin de sang » , voici en résumé ce qui s›est passé lundi et mardi au Centre National de Transfusio­n Sanguine (CNTS) où les agents ont fait grève pendant deux jours pour réclamer leur prime et refusent d’assurer les prélèvemen­ts pour dons de sang. Au fait, ont-ils déjà entendu parler de la non-assistance à personne en danger ?

Encore une fois, il aura fallu qu’un médecin tire le signal d’alarme, ameute la presse et dénonce une situation intenable qui pourrait coûter la vie à des centaines de citoyens pour obtenir, enfin, un heureux dénouement. Dr Imed Aïssa, médecin anesthésis­te réanimateu­r officiant dans une clinique privée, s’était indigné de la grève au CNT en ces termes : « Les agents du Centre National de Transfusio­n Sanguine de Tunis font grève ce jour et refusent d’assurer les prélèvemen­ts pour dons de sang même pour les situations urgentes de patients critiques. Ils réclament la prime de l’aïd et prennent nos patients en otage. Qu’en aurait -il été s’il s’agissait d’un membre de leur famille ? Pourquoi ces formes extrêmes de revendicat­ions salariales ?

C’est comme cela qu’ils ont compris la liberté d’expression et les libertés politiques ? » Vérificati­on faite, les agents du CNTS ont bel et bien entamé une grève lundi dernier, qui s’est poursuivie mardi, pour réclamer leur « dû » au risque et péril des patients, même ceux dans une situation d’urgence. D’après un témoignage recueilli confirmant la gravité de la situation et l’entêtement des agents, les parents d’un bébé âgé d’un an et souffrant d’une tumeur de la fosse postérieur­e comprimant son tronc cérébral se sont vus refuser de prélèvemen­ts sanguins pour obtenir une poche de sang nécessaire à la survie de leur fils. N’eût été la réserve de la clinique dans laquelle l’enfant est hospitalis­é, il aurait probableme­nt perdu la vie à cette heure-ci. D’autres patients, eux aussi dans un état critique, ont vu leurs vies sauvées grâce à la banque du sang militaire qui prend le relais en pareilles situations de crise. Et dire qu’en temps normal, le CNTS implore les citoyens à faire des dons de leur sang, les dons volontaire­s se faisant de plus ne plus rares au fil des années. Comment les convaincre désormais de faire un geste afin de sauver des vies alors que pour d’autres, une prime d’aïd, vaut plus qu’une vie humaine ? Cette énième grève, suspendue hier selon les dires de la Secrétaire d’etat à la Santé, Sonia Ben Cheikh, n’a pas manqué de susciter l’ire des citoyens. Plusieurs associatio­ns de patients ont, elles aussi, lancé un cri d’alerte pour anticiper la dégradatio­n catastroph­ique de la situation qui menaçait de mettre en péril la vie de dizaines de patients. Tout ça pour quoi ? Pour de l’argent ! Ceci est une énième preuve que la crise dans le pays est certes économique, mais c’est surtout une crise de valeur, d’altruisme et d’humanité. Ceci est également une énième preuve que la santé est en très mauvaise santé et que pour guérir les maux de ce secteur, un traitement de fond s’impose. Car aussi légitime soit-elle, aucune revendicat­ion ne vaut la peine de mettre en danger la vie d’un être humain.

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