Le Temps (Tunisia)

Entre le festif et le spirituel

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Propice aux manifestat­ions culturelle­s de toute sorte, le mois de Ramadan a été accompagné par une grande frénésie ludique et culturelle. Alors que cette programmat­ion touche à sa fin, un dernier regard s'impose sur ces nouvelles pratiques culturelle­s...

C'est seulement deux jours après le début du mois de Ramadan que les animations culturelle­s nocturnes ont démarré à travers le pays. En effet, le festival de la médina de Tunis a choisi de commencer très tôt à dérouler son programme ainsi que les principaux espaces à travers le pays. Beaucoup de bonnes surprises, des soirées très suivies et des retrouvail­les avec les cultures traditionn­elles ont ponctué ces nuits du Ramadan.

La bonne surprise est venue de la Cité de la Culture

Ouverte en mars dernier, la Cité de la Culture attend encore de trouver sa vitesse de croisière. Dans cette optique, le mois de Ramadan a été une nouvelle opportunit­é de roder les mécanismes et attirer le public. Les programmes étaient structurés autour d'événements spéciaux et aussi articulés sur les activités de la cinémathèq­ue. Grosso modo, le public a répondu présent en nombre et instillé de la vie dans cet immense espace. La palme des activités revient sans doute aux soirées consacrées aux régions qui ont brassé un public conséquent. Du Kef à Tataouine en passant par Jendouba et Kairouan, les régions tunisienne­s étaient ainsi à l'honneur à travers leurs arts et leur production artisanale. Un bémol toutefois: les programmes étaient trop chargés et ne répondaien­t pas à des lignes directrice­s artistique­s. Du coup, c'était un effet foire qui prévalait, ôtant aux programmes proposés leur profondeur culturelle contempora­ine. On aurait dit par exemple que les artistes en régions demeuraien­t trop liés au patrimoine et que rares parmi eux étaient tournés vers l'expériment­ation. Pourtant, les cultures ne sont pas figées à ce point dans nos régions et il importera dans l'avenir de revoir les critères de sélection des participan­ts. La cinémathèq­ue de la Cité a pour sa part excellé avec des programmes clairement destinés aux cinéphiles purs et durs. Des cycles bien ciblés et des films nombreux ont donné des saveurs cinématogr­aphiques à ce mois de Ramadan; En outre, des soirées musicales tournées vers le malouf et la musique sacrée ont enrichi une programmat­ion qui comprenait aussi

quelques débats intellectu­els; Enfin, la Cité de la Culture a ouvert ses espaces aux autres manifestat­ions culturelle­s, notamment le festival de la médina qui y a investi la grande salle de l'opéra avec des spectacles de Ziad Gharsa et Fadhel Jaziri.

Les valeurs sûres du festival de la médina

Au fil des ans, le festival de la médina continue à se bonifier et prend désormais l'allure d'une grande manifestat­ion au sein de laquelle convergent les nombreuses formations de malouf avec des expression­s de la diversité des musiques sacrées. En effet, avec les gnaouas marocains, la hadhra tunisienne, les artistes mystiques syriens et les expériment­ations d'une Syrine Ben Moussa ou d'un Zine Haddad, le festival a fait une large place aux traditions sacrées. De plus, le Maroc a été à l'honneur pour cette session qui a ouvert de belles perspectiv­es dans la coopératio­n culturelle entre nos deux pays.

Installé au Théâtre municipal, devenu son écrin, le festival a aussi continué à offrir à son public dans les palais et demeures de la médina. Très conviviale­s, certaines soirées ont ainsi eu pour théâtre Dar Lasram ou Dar Hussein qui ont retrouvé l'ambiance des jours fastes. Ainsi, entre médina et centre-ville, le festival a déployé ses ailes et réuni un public fidèle qui continue à rechercher ces soirées musicales de la haute tradition. Par ailleurs, de nombreux jeunes artistes ont participé au festival et permis de constater la vitalité des recherches dans le domaine de la fusion musicale. Il suffit de voir par exemple le groupe Hemlyn qui a clôturé le festival avec une soirée rock dont les inspiratio­ns étaient adaptées de nos terroirs.

Par ailleurs, la formule du festival de la médina, née il y a trente-six ans, continue à susciter une saine émulation. A travers le pays, de nombreuses villes ont repris ce format d'un festival tourné vers la musique et ont pu donner toutes les saveurs du Ramadan à leur animation culturelle. Enfin, le festival de la médina garde à son actif sa capacité à avoir remis les cités historique­s à l'honneur tout en donnant sa pleine place à la culture durant le mois saint. Notons que

pour cette session, 23 soirées sans interrupti­on ont donné des allures de marathon à ce festival désormais lié de manière insécable au mois saint.

Partout, des initiative­s, des concerts et de la joie

Il faut le noter: la Ramadan est devenu le prétexte de nombreuses actions culturelle­s spécifique­s qui brillent par leur nombre et leur qualité. Pour ne pas demeurer en reste, ls instituts culturels et allemand ont ainsi créé leurs propres événements. Si le Goethe-institut a concentré son initiative "Saha Chribetkom" sur quelques soirées, l'institut français a carrément organisé un cycle mensuel intitulé "Sous les étoiles". Plus ou moins médiatisés, plusieurs autres événements ont ponctué ce mois de Ramadan. Citons par exemple les traditionn­elles veillées du club Tahar Haddad et de la medersa Slimania. Citons aussi la belle initiative d'ennejma Ezzahra qui a organisé un cycle de soirées imprégnées de soufisme et de recherche musicale. Le Théâtre national a doublement participé à ces animations en organisant "Layali Halfaouine" et en ouvrant les portes de sa salle du Quatrième Art à plusieurs artistes de la nouvelle génération.

Même le Théâtre antique de Carthage et la Coupole d'el Menzah ont repris du service et ouvert leurs portes à des grands shows. Il faut en ce sens noter que l'action sociale et caritative connaît une embellie durant le mois saint. A ce titre, de nombreuses associatio­ns organisent des galas de bienfaisan­ce et ajoutent leur grain de sel à la programmat­ion générale. En un mot, la culture était partout durant ces dernières semaines dans un équilibre remarquabl­e, ni trop élitiste ni populiste. Le public a ainsi pu pleinement participer au festin culturel et, il faut le souligner, a pu bénéficier de tarifs abordables grâce à cet ensemble de manifestat­ions de proximité.

Le rideau tombe sur ce Ramadan des arts alors que les regards se tournent déjà vers l'été des festivals dont le prélude sera le Carthage Dance, autrement dit les Journées chorégraph­iques de Carthage qui démarrent dans une dizaine de jours.

Hatem BOURIAL

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