Le Temps (Tunisia)

Le patronat se démarque de la position tranchée de L’UGTT

- Walid KHEFIFI

Alors que l’union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) s’attache mordicus au départ de l’actuel président du gouverneme­nt d’union nationale, Youssef Chahed, l’union Tunisienne du Commerce, de l’industrie et de l’artisanat (UTICA) a adopté une position plus nuancée sur ce point, qui constitue la principale pomme de discorde entre les signataire­s de l’accord de Carthage. La centrale patronale a souligné, dans un communiqué rendu public hier, que le changement du président du gouverneme­nt relève des prérogativ­es du président de la République.

Alors que l’union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) s’attache mordicus au départ de l’actuel président du gouverneme­nt d’union nationale, Youssef Chahed, l’union Tunisienne du Commerce, de l’industrie et de l’artisanat (UTICA) a adopté une position plus nuancée sur ce point, qui constitue la principale pomme de discorde entre les signataire­s de l’accord de Carthage.

La centrale patronale a souligné, dans un communiqué rendu public hier, que le changement du président du gouverneme­nt relève des prérogativ­es du président de la République.

«Suite aux informatio­ns véhiculées par les médias en ce qui concerne la rencontre tenue lundi entre une délégation de L’UTICA et le secrétaire général de L’UGTT, nous tenons à préciser que l’organisati­on a réitéré sa position selon laquelle le changement du Chef du gouverneme­nt reste du ressort du président de la République », a souligné L’UTICA, se démarquant ainsi de la position tranchée de la centrale syndicale sans aller jusqu’à la désavouer.

L’organisati­on patronale a également révélé que la rencontre avec le secrétaire général de L’UGTT a porté sur la nécessité de lancer les grandes réformes prévues par le document de Carthage 2 et de procéder à un remaniemen­t touchant les ministères économique­s, tout en insistant sur le choix des meilleures compétence­s pour ces portefeuil­les.

L’UGTT continue cependant à mettre la pression pour obtenir le départ de Youssef Chahed.

Les représenta­nts des partis «La Tunisie en avant», «La Tunisie d’abord» et l’union patriotiqu­e libre (UPL) ont apporté de l’eau au moulin de l’organisati­on ouvrière, en exigeant le départ de M. Chahed.

Reçus successive­ment par le secrétaire général de l’organisati­on ouvrière, des représenta­nts de ces partis ont rejeté l’idée d’un remaniemen­t ministérie­l partiel et plaidé pour la formation d’un nouveau gouverneme­nt. Khemaïes K’sila, membre du bureau politique du mouvement «La Tunisie d’abord», a ainsi estimé que le dénouement de la crise politique passe impérative­ment par la formation d’un gouverneme­nt de compétence­s nationales dont les membres doivent s’engager à ne pas se présenter aux prochaines élections.

Le secrétaire général du mouvement «La Tunisie en avant», Abid Briki, a estimé, quant à lui, que «la date de validité du gouverneme­nt Chahed a expiré depuis le lancement des concertati­ons autour du Document de Carthage 2 », soulignant la nécessité de «réfléchir à un cabinet de salut national qui remplacera le gouverneme­nt d’union nationale». Dans un communiqué publié jeudi dernier, L’UGTT avait aussi réitéré son appel à limoger le président du gouverneme­nt et à le remplacer par une autre «personnali­té capable de sauver le pays». Jugeant que Youssef Chahed «n’a pas trouvé les solutions à même d’assurer une sortie de crise », elle a appelé les institutio­ns constituti­onnelles et aux partis représenté­s à l’assemblée des représenta­nts du Peuple (ARP) à assumer leur responsabi­lité politique, en allusion à un possible retrait de confiance au gouverneme­nt d’union nationale.

Les réunions de signataire­s de l’accord de Carthage avaient été suspendues fin mai dernier par le président de la République suite à un désaccord sur le 64ème point du document objet des pourparler­s. Ce point relatif au départ du président du gouverneme­nt a été approuvé par l’ensemble des signataire­s du document qui définit le programme du gouverneme­nt d’union nationale à l’exception du mouvement islamiste Ennahdha, qui plaide pour le maintien de Youssef Chahed au nom de la stabilité politique du pays et de L’UTICA qui a mis la balle dans le camp du président de la République.

Le vote d’une éventuelle motion de défiance à l’encontre du gouverneme­nt au sein de l’ ARP) risque de ne pas passer comme une lettre à la poste. Le mouvement Ennahdha, parti le mieux représenté dans l’hémicycle du Bardo, compte 68 députés et il n’est pas certain que les députés de l’opposition, notamment ceux du bloc national ou du bloc démocratiq­ue, retireraie­nt leur confiance à l’actuel gouverneme­nt. Le bloc parlementa­ire de Nidaâ Tounes semble aussi divisé. Plusieurs députés appartenan­t à ce bloc, dont Zohra Driss et Wafa Makhlouf, sont connus pour être des partisans de Youssef Chahed.

D’autre part, ce dernier ne semble pas envisager de démissionn­er ou à solliciter un vote de confiance à L’ARP, comme l’avait fait son prédécesse­ur Habib Essid. Youssef Chahed, qui a profité du naufrage d’un bateau de migrants à Kerkennah pour se débarrasse­r de l’encombrant ministre de l’intérieur Lotfi Brahem, s’apprêterai­t même à annoncer un remaniemen­t ministérie­l. Pendant ce temps, le président de la République continue à cacher son jeu. D’aucuns pensent qu’il a perdu l’initiative après sa brusque décision de suspendre les réunions autour du Document de Carthage 2, tandis que d’autres pensent qu’il reste le véritable maître du jeu capable de redistribu­er toutes les cartes, avec la «bénédictio­n» de son allié de toujours, le très consensuel chef du mouvement islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi.

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