Le Temps (Tunisia)

La purge sans fin

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Le coup d’etat manqué de juillet 2016, un « don de dieu » avait dit le président Erdogan, a sonné les 3 coups d’une vaste chasse dans tout le pays. Au total, plus de 150 000 fonctionna­ires ont été limogés, officielle­ment pour leurs liens supposés avec les membres du mouvement de Fethullah Gülen, désignés comme auteurs de la tentative de renverseme­nt du pouvoir. Ce vaste mouvement de purges a touché les secteurs de la police, de la justice, de l'armée ou encore de l'école. Des responsabl­es politiques, des intellectu­els, des militants des droits de l’homme et des journalist­es ont également été arrêtés. Accusés de terrorisme ou détenus sans motifs, ils sont souvent encore en attente de jugement.

Ils veulent que leur descente aux enfers soit racontée malgré la peur, écrasante, d’être surpris à confier leur histoire et à nouveau de vivre perquisiti­ons, arrestatio­n, détention, interrogat­oires et mauvais traitement­s. A chaque fois on les retrouve dans un appartemen­t, dans un quartier loin du centre d’istanbul. Le soir, tard, fenêtres et portes fermées. Avec la promesse répétée de ne donner aucun détail permettant de les identifier.

A chaque fois c’est le récit d’un engrenage qui commence par cette phrase : « jamais je n’aurais cru qu’on s’en prendrait à moi ». Né dans une famille modeste du sud du pays, un gardien de prison explique bien avoir croisé des gulénistes, des membres de cette confrérie désormais honnie par le président Erdogan. Mais promis juré dit-il, assis sur le canapé de son salon, sa fille encore bébé sur ses genoux, jamais il n’est allé au-delà de quelques réunions à l’université.

Quelques rares fréquentat­ions estudianti­nes, c’est comme ça que ce jeune père de famille explique que son nom ait été donné à la police par un témoin encore aujourd’hui anonyme. Un témoin qui n’a, dit-il, rien évoqué d’autre comme élément d’accusation qu’un simple soupçon. C’est en tout cas, assure-t-il, le seul élément figurant dans son dossier. Sûr qu’on ne pourrait jamais rien lui reprocher, le gardien de prison obéit aux consignes après le coup d’etat manqué de juillet 2016 : il prépare de la place pour 500 personnes dans l’établissem­ent pénitentia­ire où il exerce.

« Jamais je n’aurais imaginé », ditil, « que je finirais par me retrouver dans une des cellules que j’avais moi-même préparées ». 25 jours plus tard, en pleine nuit, on sonne chez lui. Face aux policiers venus l’arrêter, il pense alors : « cette fois, c’est un autre coup d’etat et il a réussi. C’est pour ça qu’on vient me chercher ».

Victimes de purges, victimes de l’opprobre social et bannis de la Le principal candidat opposé à Erdogan, Muharrem Ince, du Parti républicai­n du Peuple (CHP) - ancien kémaliste -, prononçant

un discours lors d'un meeting à Izmir nation : le compte en banque familial n’accepte pas ce qui s’est passé, je est suspendu, les droits à la sécurité veux que justice soit faite, pas seulement sociale annulés et il est impossible de pour moi mais aussi pour tous retrouver un travail. Tous ceux qui les autres ». ont été arrêtés ou victimes de purges Des élections ce dimanche, il sont signalés et tous les employeurs attend un changement politique. ont peur de les embaucher. Il a perdu toute confiance dans les

Parce qu’il faut nourrir et loger sa institutio­ns et le pouvoir. Le jeune famille, l’ex-gardien de prison père de deux enfants veut aussi cesser emprunte de l’argent à ses proches, de sursauter à chaque coup de travaille au noir. Deux ans plus tard, sonnette à la porte, cesser de ressentir cette vie de citoyen de seconde zone cette peur au ventre qui le saisit à a presque trouvé son terme. Les sanctions chaque fois. Assise dans un fauteuil, sont levées, le père de famille foulard coloré noué autour du menton, retrouve un travail. Mais il attend sa femme pleure silencieus­ement encore d’être définitive­ment innocenté pendant son récit. : « J’aime mon pays mais je

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