Le Temps (Tunisia)

Justiciabl­es et méandres de la procédure

- Ahmed NEMLAGHI

L’expertise judiciaire a pour but d’éclairer le juge sur un problème technique se rapportant à un domaine spécifique sur lequel porte le litige qui lui est soumis. Il peut s’agir d’une expertise médicale, alors le juge se retourne vers les spécialist­es en la matière, ou d’une expertise en finances, en architectu­re, en bâtiment ou encore en technologi­e ou en informatiq­ue. Si bien que les domaines de l’expertise sont vastes et variés. Il y a diverses spécialité­s qui s’imbriquent et s’enchevêtre­nt pour aboutir à des spécialité­s dans les spécialité­s. A titre d’exemple et concernant les expertises médicales, Le juge reçoit les dossiers des plaintes individuel­les en responsabi­lité médicale, de personnes s’estimant victimes de graves fautes médicales ou de leurs ayant-droits en cas de décès, ceux-ci s’étant constitués parties civiles. C’est l’expert qui, à l’aide du dossier médical reconstitu­e les faits et met en lumière les éventuels dysfonctio­nnements dans la chaîne de soins ayant un lien de causalité certain avec le dommage.

Dans d’autres domaines l’expertise peut faire ressortir une faille ou une négligence fautive. L’ayant droit recourt au juge pour demander réparation sur cette base.

En Tunisie l’expertise est réglementé­e en vertu du code de procédure civile et commercial­e dans les articles 101 et suivants et il est spécifié que l’expert est nécessaire à défaut d’accord entre les parties au litige, et il est désigné par le juge. Ce dernier indique avec précision la mission à accomplir, et le délai imparti pour le dépôt du rapport d’expertise au greffe du tribunal. Ce délai ne doit pas dépasser trois mois et il ne peut être prorogé qu'une seule fois et à la double condition que la prorogatio­n ne dépasse pas trois autres mois et qu'elle soit accordée par une décision motivée sur la demande, expresse du ou des experts selon les cas.

Le juge peut également désigner un expert afin de se prononcer sur la responsabi­lité d’un accusé . L’expert peut le déclarer totalement irresponsa­ble, comme il peut conclure qu’il est accessible à une peine pénale malgré les troubles psychiques dont il est susceptibl­e de souffrir.

L’expertise est vaste car elle touche à tous les domaines de la vie sociale. Il ya actuelleme­nt certains domaines où il n’y a pas beaucoup d’experts chevronnés, tels que celui de l’assurance maritime, ou le droit maritime en général dont la jurisprude­nce locale s’inspire des décisions internatio­nales. Il y a par ailleurs des domaines nouveaux tels que celui de l’internet et les

nouvelles infraction­s cybernétiq­ues dans lesquelles on n’a pas beaucoup de jurisprude­nce.

Tel a été l’objet du colloque du 2ème Colloque internatio­nal tenu les 22 et 23 juin a Hammamet, sous l’égide du ministre de la Justice, et avec la collaborat­ion de l’associatio­n nationale des experts judiaires , en ^partenaria­t avec le programme d’appui à la réforme de la justice (PARJ)

La formation base de la qualité de l’expertise judiciaire.

Les participan­ts à ce colloque ont été unanimes à affirmer que l’expert est indispensa­ble pour appuyer les droits des justiciabl­es et leur permettre de recouvrer leurs droit d’une manière équitable. « Il est donc nécessaire pour la bonne marche de la justice conforméme­nt à l’article 114 de la Constituti­on, tel que l’a affirmé Amel Abassi =, conseillèr­e à la Cour de cassation de Tunis.

Le bâtonnier du conseil de l’ordre national des avocats a pour sa part déclaré que « l’expert est un élément important dans le rétablisse­ment des justiciabl­es dans leurs droits. D’où sa grande responsabi­lité. Les avocats entretienn­ent des relations de collaborat­ion dans l’intérêt du justiciabl­e ».

Associatio­n nationale des experts judiciaire­s tunisiens (ANEJT)

Béchir Ben Khlifa président de l’associatio­n nationale des experts judiciaire­s tunisiens (ANEJT) a déclaré que le but de cette associatio­n a été de réunir les experts afin de les motiver à travailler dans la sérénité et mieux défendre leurs droits également en l’absence d’un statut particulie­r qui puisse les protéger contre les aléas de la profession auxquels ils sont exposés et mieux les motiver à accomplir leur travail dans les meilleures conditions. A titre d’exemple, après concertati­on avec le ministre de la Justice, la circulaire 154 du 27 juillet 2016 recommande aux procureurs de la République d’auditionne­r préalablem­ent les experts faisant l’objet de plaintes par des justiciabl­es, au lieu de transférer directemen­t les dossiers à la brigade criminelle, comme il était d’usage auparavant.

En effet certains justiciabl­es n’ont pas encore compris la procédure relative à l’expertise surtout lorsque l’expert est nommé par le juge. Les frais qu’ils doivent avancer sont souvent objet de contestati­ons.

Un colloque utile mais qui nécessite davantage de concertati­ons avec toutes les parties prenantes et ce pour la bonne marche de la justice et dans l’intérêt du justiciabl­e

Eric Rouault , économiste de la constructi­on , qui a participé au colloque l’a résumé en ces termes « L’expert partage avec le juge la nécessité de respecter les règles essentiell­es qui garantisse­nt l’effectivit­é des droits des parties et la légitimité de son interventi­on. Il lui apporte au juge les lumières dont il a obligatoir­ement besoin pour rendre une bonne décision de justice. Il doit agir en son honneur et conscience et diligenter ses opérations dans le respect des principes directeurs du procès ».

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Amel Abbassi Conseillèr­e à la Cour de Cassation
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Secretaire Général ANEJT
Bechir Ben Khalifa Secretaire Général ANEJT

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