Justiciables et méandres de la procédure
L’expertise judiciaire a pour but d’éclairer le juge sur un problème technique se rapportant à un domaine spécifique sur lequel porte le litige qui lui est soumis. Il peut s’agir d’une expertise médicale, alors le juge se retourne vers les spécialistes en la matière, ou d’une expertise en finances, en architecture, en bâtiment ou encore en technologie ou en informatique. Si bien que les domaines de l’expertise sont vastes et variés. Il y a diverses spécialités qui s’imbriquent et s’enchevêtrent pour aboutir à des spécialités dans les spécialités. A titre d’exemple et concernant les expertises médicales, Le juge reçoit les dossiers des plaintes individuelles en responsabilité médicale, de personnes s’estimant victimes de graves fautes médicales ou de leurs ayant-droits en cas de décès, ceux-ci s’étant constitués parties civiles. C’est l’expert qui, à l’aide du dossier médical reconstitue les faits et met en lumière les éventuels dysfonctionnements dans la chaîne de soins ayant un lien de causalité certain avec le dommage.
Dans d’autres domaines l’expertise peut faire ressortir une faille ou une négligence fautive. L’ayant droit recourt au juge pour demander réparation sur cette base.
En Tunisie l’expertise est réglementée en vertu du code de procédure civile et commerciale dans les articles 101 et suivants et il est spécifié que l’expert est nécessaire à défaut d’accord entre les parties au litige, et il est désigné par le juge. Ce dernier indique avec précision la mission à accomplir, et le délai imparti pour le dépôt du rapport d’expertise au greffe du tribunal. Ce délai ne doit pas dépasser trois mois et il ne peut être prorogé qu'une seule fois et à la double condition que la prorogation ne dépasse pas trois autres mois et qu'elle soit accordée par une décision motivée sur la demande, expresse du ou des experts selon les cas.
Le juge peut également désigner un expert afin de se prononcer sur la responsabilité d’un accusé . L’expert peut le déclarer totalement irresponsable, comme il peut conclure qu’il est accessible à une peine pénale malgré les troubles psychiques dont il est susceptible de souffrir.
L’expertise est vaste car elle touche à tous les domaines de la vie sociale. Il ya actuellement certains domaines où il n’y a pas beaucoup d’experts chevronnés, tels que celui de l’assurance maritime, ou le droit maritime en général dont la jurisprudence locale s’inspire des décisions internationales. Il y a par ailleurs des domaines nouveaux tels que celui de l’internet et les
nouvelles infractions cybernétiques dans lesquelles on n’a pas beaucoup de jurisprudence.
Tel a été l’objet du colloque du 2ème Colloque international tenu les 22 et 23 juin a Hammamet, sous l’égide du ministre de la Justice, et avec la collaboration de l’association nationale des experts judiaires , en ^partenariat avec le programme d’appui à la réforme de la justice (PARJ)
La formation base de la qualité de l’expertise judiciaire.
Les participants à ce colloque ont été unanimes à affirmer que l’expert est indispensable pour appuyer les droits des justiciables et leur permettre de recouvrer leurs droit d’une manière équitable. « Il est donc nécessaire pour la bonne marche de la justice conformément à l’article 114 de la Constitution, tel que l’a affirmé Amel Abassi =, conseillère à la Cour de cassation de Tunis.
Le bâtonnier du conseil de l’ordre national des avocats a pour sa part déclaré que « l’expert est un élément important dans le rétablissement des justiciables dans leurs droits. D’où sa grande responsabilité. Les avocats entretiennent des relations de collaboration dans l’intérêt du justiciable ».
Association nationale des experts judiciaires tunisiens (ANEJT)
Béchir Ben Khlifa président de l’association nationale des experts judiciaires tunisiens (ANEJT) a déclaré que le but de cette association a été de réunir les experts afin de les motiver à travailler dans la sérénité et mieux défendre leurs droits également en l’absence d’un statut particulier qui puisse les protéger contre les aléas de la profession auxquels ils sont exposés et mieux les motiver à accomplir leur travail dans les meilleures conditions. A titre d’exemple, après concertation avec le ministre de la Justice, la circulaire 154 du 27 juillet 2016 recommande aux procureurs de la République d’auditionner préalablement les experts faisant l’objet de plaintes par des justiciables, au lieu de transférer directement les dossiers à la brigade criminelle, comme il était d’usage auparavant.
En effet certains justiciables n’ont pas encore compris la procédure relative à l’expertise surtout lorsque l’expert est nommé par le juge. Les frais qu’ils doivent avancer sont souvent objet de contestations.
Un colloque utile mais qui nécessite davantage de concertations avec toutes les parties prenantes et ce pour la bonne marche de la justice et dans l’intérêt du justiciable
Eric Rouault , économiste de la construction , qui a participé au colloque l’a résumé en ces termes « L’expert partage avec le juge la nécessité de respecter les règles essentielles qui garantissent l’effectivité des droits des parties et la légitimité de son intervention. Il lui apporte au juge les lumières dont il a obligatoirement besoin pour rendre une bonne décision de justice. Il doit agir en son honneur et conscience et diligenter ses opérations dans le respect des principes directeurs du procès ».