Le Temps (Tunisia)

Déclaratio­n du patrimoine, point d’achoppemen­t

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Le projet de loi relatif à la déclaratio­n du patrimoine et à la lutte contre l’enrichisse­ment illicite et le conflit d’intérêt, a pour objet comme il est stipulé dans son article premier , de « consacrer la transparen­ce et l'intégrité, de lutte contre l'enrichisse­ment illicite, de protéger les deniers publics et de renforcer le contrôle sur les personnes qui en assurent la gestion ».

C'est la cour des comptes qui relèvera, conservera et contrôlera toutes les déclaratio­ns de biens. D'où la nécessité de constituti­onnaliser l'indépendan­ce totale de la Cour des comptes aussi bien du pouvoir exécutif que du pouvoir législatif.

Qu’appelle-t-on enrichisse­ment illicite ? C’est en fait tout enrichisse­ment découlant de la corruption. Il consiste en une augmentati­on des biens du patrimoine d’un agent public qu’il ne peut légitimeme­nt justifier. Les auteurs des différente­s définition­s données à l'enrichisse­ment illicite convergent quant au caractère de celui-ci qui est une absence de justificat­ion des biens nouvelleme­nt acquis.

C’est la raison pour laquelle la loi impose que tout agent public responsabl­e ou dirigeant, est tenu de déclarer son patrimoine dès la prise de sa fonction.

Cette déclaratio­n sera adressée au président de la commission de transparen­ce financière de la vie politique.

Procédure

C’est en vertu de l’article 5 du projet, que sont nommément cités tous ceux qui sont tenus de déclarer leurs patrimoine­s, dans une liste limitative , le président de la République, le chef du Gouverneme­nt, le président de l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP), le chef des instances constituti­onnelles, les présidents des collectivi­tés locales, ainsi que tous les agents publics assermenté­s, responsabl­es , chargés de mission dans l’administra­tion publique tel que les comptables publics.

En vertu de l’article 8 , les déclaratio­ns du patrimoine et des intérêts sont établies sur des imprimés fournis par l’administra­tion et que l’intéressé doit remplir en trois exemplaire­s et en remettre deux au service concerné qu’il gardera pendant dix ans après la fin de mission de l’intéressé.

Selon l’article 9, les membres du gouverneme­nt, ainsi que ceux de L’ARP et les membres des conseils des collectivi­tés locales élus, adressent copies de leurs déclaratio­ns à leurs chefs de tutelle, ainsi que les déclaratio­ns de tout changement intervenu au cours de leur exercice.

Les responsabl­es et agents publics concernés sont tenus de renouveler leurs déclaratio­ns tous les trois ans selon l’article 10 du même projet de loi, dans les 60 jours qui suivent ce délai ainsi que celui de la fin de leur mission. Peine de 6 ans en cours d’examen

La peine prévue par un projet de loi sur l’enrichisse­ment illicite est en cours d’examen au niveau de la commission législativ­e, elle atteint 6 ans d’emprisonne­ment, au cas où l’infraction d’enrichisse­ment illicite établie. Le blocage, pourquoi ?

L’ARP qui a repris, dernièreme­nt l’examen en plénière du projet pour entreprend­re son vote article par article a apparemmen­t bloqué sur la question de délai en ce qui concerne la déclaratio­n du patrimoine.

Quoi qu’il en soit la question de délai ne doit pas poser de grandes difficulté­s, l’essentiel étant que les déclaratio­ns du patrimoine soient faites d’une manière transparen­te, avec la présentati­on de l’actif et le passif de chacun des responsabl­es, afin d’éloigner toute suspicion de corruption ou de malversati­ons. Cela va dans le sens de la transparen­ce, dans un souci de bonne gouvernanc­e. Le rôle de la Cour des comptes est à renforcer à cet effet afin de ne pas tomber dans la pratique de deux poids deux mesures. Toute contestati­on doit en effet, passer par la Cour des comptes seul organe compétent juridiquem­ent en l’occurrence à établir les manquement­s en matière de gestion de l’argent public, et à contribuer de la sorte à la consolidat­ion de la bonne gouvernanc­e dont la base est la lutte contre la corruption.

Immunité

Aucune immunité ne constitue un obstacle contre la déclaratio­n du patrimoine de la part de ceux qui sont concernés par la loi.

Cependant, il est urgent de faire le ménage dans les institutio­ns publiques dont celles où seront déposées les déclaratio­ns du patrimoine, dans un souci de vraie transparen­ce. En cas de soupçons de corruption, la levée d’immunité est indispensa­ble. C’est une urgence à laquelle il faut penser en y remédiant par la loi.

Le blocage et les tergiversa­tions au sein de L’ARP, ne seraient-ils pas pour des raisons de conflits d’intérêts partisans ? C’est ce que craignent certains observateu­rs qui oeuvrent pour l’adoption du projet de loi dans les meilleurs délais. L’optimisme est permis ; imaginons Sisyphe heureux.

Ahmed NEMLAGHI

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