Le Temps (Tunisia)

La justice rétrograde de Donald Trump

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Les deux décisions rendues mardi par la Cour suprême étalent l’efficacité avec laquelle Donald Trump est en train d’armer les tribunaux à des fins ultraconse­rvatrices. La première a validé le très controvers­é décret présidenti­el anti-immigratio­n, mettant fin à une bataille épique dans l’opinion publique et devant la justice autour de l’ordre donné par M. Trump dans les tout premiers jours de son entrée en fonction de fermer les frontières américaine­s aux citoyens de plusieurs pays musulmans au nom d’impératifs de sécurité nationale.

« Un observateu­r raisonnabl­e conclurait que le décret était motivé par un préjugé antimusulm­an », a écrit non sans dérision la juge Sonia Sotomayer dans son opinion minoritair­e. En effet. Avec sa promesse de construire un « mur » sur la frontière mexicaine pour bloquer la route aux clandestin­s, M. Trump avait fait de l’interdicti­on de l’accès des musulmans au territoire américain un engagement central de sa campagne électorale. Il était même allé jusqu’à relayer sur Twitter les vidéos islamophob­es d’une dirigeante d’une organisati­on néofascist­e de Grande-bretagne. Pour autant, l’évidence que l’homme défend des positions fondamenta­lement xénophobes aura échappé à la majorité des juges de la Cour suprême. Le président n’a fait qu’« user de façon légitime de ses prérogativ­es » et l’état « a mis en avant une justificat­ion suffisante en matière de sécurité nationale », a conclu la haute cour dans son arrêt rédigé par le juge en chef John Roberts. Avec le résultat que le décret, qui aura fait l’objet de trois moutures et de multiples contestati­ons devant les tribunaux de plusieurs États, a été approuvé par une majorité de cinq contre quatre grâce à l’appui du juge Neil Gorsuch, nommé l’année dernière par M. Trump.

La deuxième décision touche aux droits reproducti­fs des femmes. Par la même petite majorité, la Cour suprême a jugé inconstitu­tionnelle une loi californie­nne qui exigeait des centaines de centres anti-ivg ayant pignon sur rue dans cet État qu’ils informent les femmes enceintes qui se présentaie­nt chez eux de leur droit de se faire avorter si elles le souhaitent. Autant de « centres de crise de la grossesse » gérés par des organisati­ons de la droite chrétienne dont les autorités californie­nnes considérai­ent à juste titre qu’il s’agissait moins de cliniques — car tel était la façade derrière laquelle ils se présentaie­nt — que tous simplement de lieux de missionnar­iat antiavorte­ment.

En fait, ces deux décisions ne constituen­t que les illustrati­ons les plus médiatisée­s du travail de sape auquel se livre ce président contre l’état de droit en général et en matière de justice en particulie­r. Arrivé au po uvoir depuis un peu plus d’un an, Donald Trump a déjà nommé 21 des 167 juges qui président les cours d’appel fédérales (ce qu’on appelle aux Étatsunis les « circuits courts ») et compte pourvoir au moins 20 postes additionne­ls d’ici la fin de l’année, selon un bilan effectué par le quotidien The Guardian. La tendance est la même dans les tribunaux inférieurs que sont les cours de district. En promoteur de valeurs autrement plus progressis­tes, Barack Obama est loin d’avoir pu, sous sa présidence, exercer pareille influence sur les tribunaux, vu la résistance que lui opposait le Congrès à majorité républicai­ne.

Dominé par des hommes blancs, dont plusieurs ont moins de cinquante ans, l’arrivage de nouveaux magistrats présente une pensée particuliè­rement étroite et peu diversifié­e. Selon l’organisati­on progressis­te Lambda Legal, un bon tiers des candidats défendent des positions antilgbt. M.

Trump serait ainsi en voie de devenir le premier président républicai­n en près de 90 ans à nommer moins de femmes et de membres des minorités à des postes de juge que son prédécesse­ur.

Il ne s’en repent point. Car ces nomination­s réactionna­ires lui garantisse­nt l’appui, essentiel, de la droite américaine pure et dure, comme les tribunaux sont le nerf de la guerre pour les évangéliqu­es et les ultraconse­rvateurs — un électorat très mobilisé — dans leur guerre contre tout ce qui ressemble de près ou de loin à une position de gauche.

Pour M. Trump, homme sans foi ni loi, le calcul est simple et le profit est instantané.

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