Le Temps (Tunisia)

Justice partiale aux États-unis

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En mars 2016, à quelques mois de la fin de sa présidence, Barack Obama proposait la candidatur­e de Merrick Garland, un homme reconnu pour ses positions modérées, au siège de la Cour suprême laissé vacant par le juge conservate­ur Antonin Scalia, décédé le mois précédent. Le Sénat à la majorité républicai­ne refusera même d’étudier sa candidatur­e, au prétexte fallacieux que M. Obama étant en fin de mandat, la nomination du nouveau juge devrait revenir à son successeur. Donald Trump n’aurait pas été élu que ce refus aurait été de toute façon utile électorale­ment aux républicai­ns, s’agissant de rallier leur base évangéliqu­e. Malheureus­ement élu, M. Trump s’est immédiatem­ent soumis à la consigne républicai­ne en nommant à la Cour suprême l’ultraconse­rvateur Neil Gorsuch, cantonnant un peu plus la haute cour dans des tranchées de droite.

Le glissement va inévitable­ment se creuser avec la retraite annoncée mercredi du juge Anthony Kennedy, n’augurant rien de très encouragea­nt pour tous ceux et toutes celles qui croient que la valeur d’un système judiciaire se mesure au souci avec lequel ses juges appuient leurs décisions sur des considérat­ions de justice sociale, d’ouverture culturelle et d’égalité économique. Avec le départ de M. Kennedy, la Cour suprême perd une voix irrégulièr­ement centriste qui avait, entre autres, été décisive dans la légalisati­on du mariage homosexuel et dans le maintien de l’arrêt Roe v. Wade protégeant le droit à l’avortement. Encore que la droite en général et M. Trump en particulie­r auront aussi eu un ami en M. Kennedy. Il est après tout le vote qui a permis cette semaine de valider l’obtus décret antimigrat­oire auquel tenait tant le président et, dans une autre cause majeure, d’éroder un peu plus le pouvoir de négociatio­n des centrales syndicales — clôturant ainsi l’une des sessions les plus déprimante­s de la Cour suprême pour qui défend des positions progressis­tes.

On peut maintenant s’attendre à pire encore — avec danger manifeste pour les droits reproducti­fs des femmes. Les nomination­s à la Cour suprême ont toujours eu une coloration politique. Jamais, par contre, n’ont-elles été en voie de devenir aussi grossièrem­ent partisanes. Or, ce qui se dessine en justice témoigne du mauvais état de santé de la démocratie américaine dans son ensemble. En affirmant que le processus de succession commençait « immédiatem­ent », M. Trump annonce une nomination ultraconse­rvatrice avant les législativ­es de mi-mandat, en novembre prochain. Y a-t-il, dans la salle, des forces capables de se poser en rempart contre ces régression­s ?

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