Le Temps (Tunisia)

Le nouveau consensus européen

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Immigratio­n

Si les modalités sont floues, la philosophi­e, elle, est claire. L’accord auquel sont parvenus les Vingt-huit, vendredi 29 juin à Bruxelles, consacre un tournant dans l’approche européenne de la gestion des flux migratoire­s : trois ans après la grande crise des réfugiés, qui avait suscité un élan de générosité en Europe du Nord et que les pays de première arrivée, riverains de la Méditerran­ée, avaient affrontée courageuse­ment, l’union européenne s’organise pour fermer ses portes et dissuader les candidats à l’émigration clandestin­e.

Si chacun des dirigeants est rentré chez lui, à l’issue de ce sommet de deux jours, en se déclarant satisfait malgré les failles évidentes d’un dispositif encore balbutiant, c’est parce qu’un consensus a été établi sur ce principe de base : l’europe ne peut plus se permettre d’être grande ouverte, pas plus que ne se le permettent les Etats-unis, le Canada, l’australie ou la Russie. Elle doit continuer àaccueilli­r des réfugiés, comme l’exige le droit internatio­nal, mais ne veut plusaccept­er une immigratio­n clandestin­e incontrôlé­e.

Tous les Etats membres n’ont pas la même motivation dans cette approche ; leurs divergence­s peuvent même être fondamenta­les. Les pays d’europe centrale, emmenés par la Hongrie et la Pologne, refusent l’idée même d’une immigratio­n susceptibl­e de modifier la compositio­n ethnique, culturelle ou religieuse de leur société. D’autres gouverneme­nts, comme ceux de l’italie et de l’autriche, ont été récemment portés au pouvoir sur la promesse de ne plus laisser entrer un seul migrant. D’autres, enfin, comme ceux de l’allemagne, de la France et de plusieurs pays du Nord, restent partisans de sociétés ouvertes, mais tentent désespérém­ent d’endiguer la montée des partis populistes et de la droite radicale antiimmigr­ation, à moins d’un an des élections européenne­s.

Le soldat Merkel est sauvé

La tension sur la gestion des flux migratoire­s menaçait l’unité de l’europe. Elle menaçait aussi la chancelièr­e Angela Merkel, ouvertemen­t mise en demeure par ses partenaire­s de la CSU de durcir sa politique sur l’immigratio­n. Un compromis a donc été trouvé pour repousser ces deux dangers : il repose sur le renforceme­nt des frontières extérieure­s de l’union et sur l’ouverture d’hypothétiq­ues centres de regroupeme­nt des migrants, à l’intérieur de L’UE pour ceux qui sont déjà arrivés, à l’extérieur pour les candidats au départ, où le tri serait fait entre demandeurs d’asile et migrants économique­s. Le soldat Merkel est sauvé – au moins pour l’immédiat, et avec le concours précieux de l’espagne et de la Grèce, ce qui ne manque pas d’ironie –, l’unité de L’UE est préservée, et les pays d’europe centrale peuvent crier victoire, débarrassé­s de l’idée des quotas de répartitio­n des réfugiés. Est-ce à dire que la question est résolue ? Evidemment non. Donald Tusk, le président du Conseil européen, a reconnu que la mise en oeuvre de l’accord serait« difficile » et qu’il était « bien trop tôt pour parler d'un succès ». Pour Emmanuel Macron, qui a été à la manoeuvre pour dégager un compromis, le texte « ne règle en rien, à lui seul, la crise que nous vivons, qui est largement politique ».

Car cette crise n’en est qu’à ses débuts : la fermeture des portes peut rassurerle­s électorats européens, elle n’empêchera pas les candidats au départ deprendre la route. L’urgence immédiate passée, c’est un phénomène de fond que les Etats membres doivent à présent intégrer, quelles que soient leurs motivation­s, dignes et moins dignes.

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