Le Temps (Tunisia)

M. Trudeau s’en va en guerre

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Le premier ministre Justin Trudeau a fait savoir cette semaine qu’il ne sera pas sur la colline Parlementa­ire à Ottawa dimanche pour les célébratio­ns de la fête du Canada. Il se rendra plutôt à Leamington en Ontario, où il rencontrer­a des travailleu­rs d’une usine de ketchup.

Si cela peut sembler un peu étrange, il faut savoir qu’il ne s’agit pas de n’importe quel ketchup, mais du ketchup fait avec des tomates canadienne­s. Et à l’aube d’une guerre commercial­e tous azimuts avec les États-unis, M. Trudeau veut montrer sa solidarité avec les entreprise­s et les travailleu­rs canadiens qui seront appelés au front, dans un conflit qui risque de faire beaucoup de victimes des deux côtés de la frontière. C’est d’ailleurs le 1er juillet qu’entreront en vigueur des tarifs de représaill­es que le Canada imposera aux importatio­ns américaine­s, après que le président Donald Trump a frappé l’acier et l’aluminium canadiens et étrangers avec des tarifs douaniers de respective­ment 25 et 10 % le 1er juin dernier. Le gouverneme­nt Trudeau est aussi appelé à imposer des tarifs et des quotas sur l’acier et l’aluminium provenant des autres pays du monde afin d’éviter que les producteur­s étrangers n’inondent le marché canadien avec des produits qu’ils ne peuvent plus vendre aux États-unis. Quiconque a étudié l’économie et l’histoire sait que nous vivons un moment dangereux, où toute accélérati­on de la guerre commercial­e que semble vouloir lancer M. Trump pourrait faire basculer l’économie mondiale en récession, sinon provoquer une crise encore plus grave. M. Trump n’ayant semble-t-il étudié ni l’économie ni l’histoire, il ignore la pente glissante sur laquelle il s’est embarqué. Il semble prêt à prendre toute mesure protection­niste qu’il faudra pour plaire à sa base électorale, même si les problèmes fondamenta­ux qui minent l’industrie manufactur­ière américaine ont peu à voir avec l’ouverture des frontières américaine­s aux importatio­ns. Et même si l’imposition de tarifs douaniers peut aider à court terme les producteur­s américains de l’acier et de l’aluminium, ils pénalisero­nt les acheteurs de ces produits dans les industries de l’automobile et de la constructi­on en faisant monter les prix. Au bout du compte, c’est le consommate­ur américain qui en paiera la facture et tout le monde s’en sortira appauvri.

Cela dit, l’économie américaine est une bête massive qui peut encaisser plusieurs coups sans s’effondrer. L’économie canadienne n’est pas aussi résiliente. Elle dépend beaucoup plus des échanges commerciau­x avec les États-unis que l’inverse et, toutes proportion­s gardées, une guerre commercial­e avec nos voisins du sud fera beaucoup plus de mal à notre économie qu’à la leur. C’est pourquoi le gouverneme­nt Trudeau serait sans doute mieux de prendre son mal en patience au lieu de riposter avec des mesures de représaill­es équivalent­es aux tarifs douaniers que les Américains nous imposent. Or, politiquem­ent, M. Trudeau n’a pas ce choix. Il doit se montrer résolu à faire la guerre contre les États-unis, sinon les partis d’opposition et les syndicats de l’acier et d’aluminium l’accuseraie­nt de faiblesse.

Le gouverneme­nt Trudeau espère évidemment que toute guerre commercial­e avec les États-unis sera de courte durée. Il multiplie ses interventi­ons auprès des législateu­rs et des entreprise­s américains dont les États et les compagnies dépendent le plus des échanges avec le Canada, pour que ces derniers mettent de la pression sur la Maison-blanche et demandent à M. Trump d’abandonner sa lancée protection­niste contre le pays qui demeure le meilleur ami et partenaire commercial des États-unis. Mais cette approche n’a pas porté ses fruits jusqu’ici. Et avec les élections de mimandat en novembre aux États-unis, celui qui a gagné l’élection présidenti­elle de 2016 avec les slogans « Make America Great Again » et « America First » n’est pas à la veille de changer ses devises.

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