Le Temps (Tunisia)

Pologne et Etat de droit, dangereuse impasse

-

Le mardi 3 juillet est à marquer d’une pierre blanche pour la Pologne et pour l’union européenne : c’est le jour de l’entrée en vigueur de la très controvers­ée législatio­n sur la réforme du système judiciaire polonais, au coeur d’un différend de fond avec la plupart des Etats membres, contentieu­x qui n’a pas évolué, malgré six mois de discussion­s entre Varsovie et Bruxelles. Le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a réaffirmé, le 28 juin, devant le Parlement européen que cette réforme portait atteinte à l’indépendan­ce du pouvoir judiciaire. La Commission a pris, en décembre, la décision sans précédent de déclencher l’article 7 du traité de L’UE contre la Pologne, qui peut théoriquem­ent aboutir à priver un Etat membre de son droit de vote au Conseil. Le gouverneme­nt polonais, dirigé par le parti conservate­ur nationalis­te Droit et justice (PIS), a de nouveau été entendu trois heures durant, le 26 juin, par l’ensemble des ministres des affaires européenne­s de l’union, réunis à Luxembourg ; le consensus qui s’en est dégagé est que les aménagemen­ts proposés par Varsovie à sa réforme judiciaire ne sont que cosmétique­s. L’etat de droit reste donc menacé.

Situation bloquée

En vertu de cette loi, le ministère de la justice est en mesure, dès le 4 juillet au matin, de démettre de leurs fonctions 27 des 63 juges de la Cour suprême, dont sa présidente, en raison de leur âge, puisque le texte impose à ces juges deprendre leur retraite à 65 ans au lieu de 70 ans précédemme­nt. Officielle­ment, cette loi vise à purger le système judiciaire des magistrats ayant servi sous le régime communiste – qui s’est effondré il y a près de trente ans. Pour les défenseurs de l’etat de droit, cette réforme, qui attribue des compétence­s élargies au ministre de la justice, a pour but de renforcer le contrôle de l’exécutif.

Jeudi 28 juin, les 63 juges de la Cour suprême polonaise, réunis en assemblée générale, ont décidé de tous rester à leur poste, à commencer par leur première présidente, Malgorzata Gersdorf, qui aura 66 ans cette année.

Le ministère a aussitôt réagi en faisant savoir que le mandat de Mme Gersdorf prendrait fin le 4 juillet et que le président de la République nommerait son remplaçant, en attendant l’élection d’un successeur définitif. La situation paraît donc dangereuse­ment bloquée. Le gouverneme­nt polonais est inflexible. En Pologne et ailleurs, les organisati­ons de défense de la démocratie sont très mobilisées.

A Bruxelles, la Commission passe pour être divisée sur la tactique à suivre, d’autant plus que l’article 7 a peu de chance d’aboutir : il requiert l’unanimité, et la Hongrie a indiqué qu’elle soutiendra­it la Pologne. De nombreux Etats membres, dont la France et l’allemagne, sont en faveur de la fermeté sur l’etat de droit, principe fondamenta­l de L’UE.

Une alternativ­e à l’article 7 recueille de plus en plus de soutiens : conditionn­er l’attributio­n des importante­s subvention­s de l’union à la Pologne et à la Hongrie au respect de l’etat de droit. C’est la bonne voie. Mercredi, le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, sera l’invité du Parlement européen, comme d’autres chefs de gouverneme­nt avant lui ; il aura ainsi l’occasion de faire enfin preuve d’ouverture. Soucieuse de ne pas se brouiller avec les Etats-unis et Israël, la Pologne vient d’assouplir sa loi sur l’holocauste.

M. Morawiecki pourra ainsi montrer que l’opinion de ses partenaire­s européens compte au moins autant à ses yeux que celle du président Trump.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia