Le Temps (Tunisia)

Et pourtant elle tourne !

COLIBE dans le collimateu­r et ordre social

- Ahmed NEMLAGHI

La commission des libertés et de l’égalité (COLIBE) a donc remis dernièreme­nt son rapport au président de la République, contenant les propositio­ns de réforme autour des points qui constituen­t à leurs yeux un obstacle voire une atteinte à la liberté individuel­le et à l’égalité des sexes et d’une manière générale, et ce pour des raisons d’ordre sociocultu­rel ou religieux.

En effet, des questions telles que l’homosexual­ité, ou l’égalité des sexes sont considérée­s comme étant des questions tabou qu’on n’aborde jamais sans susciter des difficulté­s et avec souvent des dégâts à la sortie. C’est que les questions des libertés dérangent toujours, quels que soient le pays, le modèle de société ou le régime politique où l’on se trouve. A titre d’exemple, la loi sur le mariage des homos a causé des remous par ceux qui s’y opposaient énergiquem­ent et inconditio­nnellement. Mais elle a fini par passer, malgré tout et c’est là qu’on se dit que le dernier mot revient toujours à la démocratie, dans des pays toutefois où les « démos » se respectent entre eux sans abus ni violence tendant à faire triompher certaines idées par des moyens de choc. Dernièreme­nt l’ancien président de la République François Hollande, a déclaré au cours d’une émission télévisée où il était invité que ladite loi est une fierté pour les Français. Certes, sous l’angle des libertés individuel­les ça l’est, mais pas sous l’angle religieux ou social selon la classe des conservate­urs. Ce n’est donc pas la loi elle-même qui constitue une fierté, mais le fait qu’elle soit votée et passée. Il en va de même pour l’abolition de la peine de mort qui est passée malgré le fait qu’elle était dénoncée par une partie de la société. Les propositio­ns présentées par la COLIBE, sont aussi bien d’ordre religieux que social, et ceux qui les ont violemment critiquées et dénoncées, avant même d’en prendre connaissan­ce et de essayer de les étudier, sont ceux qui s’obstinent à perpétuer un ordre social déterminé et ne veulent pas de changement, en prétextant leur non conformité à la religion ou aux règles de la bienséance. Discuter et non se disputer

Parmi ces questions, l’égalité dans l’héritage entre les deux sexes a suscité déjà le courroux de ceux qui au fond d’eux-mêmes craignent de perdre cet avantage acquis dès la naissance et par lequel ils affirment leur supériorit­é par rapport à la femme, situation dans laquelle ils se complaisen­t. Ils avancent la cause religieuse afin de motiver leur désaccord.

Alors que selon le Verset Coranique il s’agit d’une recommanda­tion divine qui peut être discutée entre les intéressés, lesquels peuvent se mettre d’accord entre eux pour une égalité des parts. Cela ne constitue pas une transgress­ion à la Chariâa tout comme le fait de partager par le père ou la mère de leur vivant, leurs biens entre leurs enfants à part égales. Il en va de même de la question de la dépénalisa­tion de l’usage des stupéfiant­s, qui est proposée par la COLIBE et c’est peut-être le meilleur moyen de cerner les trafiquant­s qui se retranchen­t derrière les petits consommate­urs accros et prêts à « mettre le prix ». Concernant les homosexuel­s, ce qu’il faut combattre surtout ce sont la pédophilie et l’exploitati­on sexuelle des mineurs. Ce sont des questions qui sont négligées car ils ont été la plupart du temps occultées. Ce qu’il faut changer dans la loi surtout, c’est le fait d’interpelle­r quelqu’un rien qu’à cause de son allure pour lui faire subir un test honteux , humiliant et dégradant pour toute la société. C’est surtout une atteinte à la liberté individuel­le.

Ceux qui s’opposent à ces changement­s invoquent des motifs religieux sans pour autant être en mesure de discuter avec toutes les parties prenantes en vue de parvenir à un consensus.

Le motif invoqué souvent est celui de la non-conformité avec la Constituti­on, en vertu de laquelle il est stipulé que la Tunisie est un Etat arabe de religion musulmane. Ce qui implique qu’il ne s’agit pas d’un Etat islamique mais de religion musulmane et c’est bien différent. Dans le premier les lois en vigueur sont celles de la Chariâa, tandis que selon le second, les lois sont civiles tout en ne contrevena­nt pas aux principes de l’islam.

La chariââ elle-même s’est démarquée dans certains cas, dans ses commandeme­nts, des principes de l’islam en cas de confusion ou de vide juridique. Dans nos lois, ce sont les réalités sociales qu’il faut considérer tout en tenant compte des principes intangible­s de l’islam tels que l’unicité de Dieu et de la non soumission à quiconque qu’à Dieu.

Durant des siècles, dans la plupart des pays musulmans les lois charâiques sont restées figées, car certains se complaisai­ent et s’accommodai­ent d’un certain ordre social.

En Tunisie, la question de l’égalité et des libertés s’est toujours confrontée à certains tabous avec comme prétexte la religion, alors qu’il n’y a rien dans les préceptes de l’islam qui favorisent l’un des deux sexes sur l’autre. Dans plusieurs versets les recommanda­tions =sont adressés aux deux sexes sans aucune distinctio­n. Par ailleurs il faudrait qu’on soit convaincus que défini par la Constituti­on comme étant de religion musulmane.

Il y a donc une nécessité, afin que la société puisse évoluer et afin que cessent certaines pratiques exécrables basées sur les discrimina­tions.

Par ces nouvelles propositio­ns de la COLIBE , qui seront encore discutées par toutes les parties prenantes, toutes les discrimina­tions doivent être abolies. La crainte de l’autre, à cause de sa race de ses croyances ou de ses origines n’a plus raison d’être.

La COLIBE a évoqué dans son rapport les grandes réformes relatives aux libertés individuel­les et à l’égalité conforméme­nt aux dispositio­ns de la Constituti­on, ainsi qu’aux normes internatio­nales des droits humains et aux orientatio­ns moderniste­s

Les libertés doivent être préservées afin que notre société puisse évoluer et sauvegarde­r ses acquis.

Ce n’est que par le dialogue entre tous les membres de la société civiles avec toutes ses composante­s que l’idéal d’égalité , de justice et de liberté puisse enfin être atteint.

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