Le Temps (Tunisia)

Le 5ème mandat (presque) en place

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Le Conseil de la Nation vient à son tour d'apporter sa pierre à la constructi­on d'un probable 5ème mandat du président Bouteflika. C'est son président, Abdelkader Bensalah, qui en a fait l'annonce hier lundi, appelant M. Bouteflika à briguer un 5ème mandat. Une toute autre attitude aurait été impensable d'une institutio­n parlementa­ire dont le tiers est désigné par le chef de l'etat. Le Sénat emboîte le pas aux partis du pouvoir et à la centrale syndicale et confirme que le scénario d'un dernier mandat pour le président Bouteflika est en train de se mettre en forme. Il ne reste que l'annonce officielle de cette candidatur­e pour que les préparatif­s de l'élection présidenti­elle de 2019 débutent.

Pour autant, et si dans le sérail chacun s'active à soutenir un 5ème mandat, beaucoup plus pour ne pas trop s'écarter du chemin et être abandonné par le gros du groupe favorable à une candidatur­e de Bouteflika pour la prochaine échéance présidenti­elle, au sein de l'opposition, on reste persuadé que l'éventualit­é d'un 5ème mandat sera un désastre pour le pays. Et c'est la porteparol­e du mouvement Mouawatana, Zoubdia Assoul, qui monte au front pour dénoncer les manoeuvres des partisans «du statu quo». Pour elle, «la perpétuati­on du statu quo (un 5ème mandat) constitue une sérieuse menace à notre souveraine­té car le pays n'est plus géré depuis de nombreuses années à cause de l'état de santé du président. Si rien ne change, le pays ira droit au mur». C'est, globalemen­t, l'avis des partis d'opposition, RCD en tête, pour qui l'âge et l'état de santé de M. Bouteflika ne lui permettent plus de briguer un 5ème mandat.

Dès lors, si au sein des partis du pouvoir l'objectif actuelleme­nt est d'imposer coûte que coûte le président Bouteflika comme leur candidat pour l'élection de 2019, au sein de l'opposition, le ton est plutôt centré sur les conséquenc­es sociales, économique­s et politiques d'une telle éventualit­é. Mieux, ils pensent que le statu quo ne va pas, au contraire, jouer en faveur de la démocratie, de la bonne gouvernanc­e, de l'alternance au pouvoir. Et, pour éviter «l'iceberg», l'opposition est plutôt favorable, non pas à la tenue de l'élection présidenti­elle de 2019, mais pour une période transitoir­e pour préparer l'après-bouteflika. La raison en est que le pays traverse une période difficile, délicate, marquée par un recul des recettes pétrolière­s qui ont amené le gouverneme­nt à recourir à la planche à billets pour éviter l'effondreme­nt financier du pays. Et un autre appel à l'aide auprès des institutio­ns financière­s multilatér­ales. Mais, surtout, pour faire face à un profond marasme social, un malaise généralisé, exacerbé par certains scandales politicofi­nanciers.

Les enjeux de cette présidenti­elle se trouvent dès lors déroutés vers des rivages politiques inconnus, dangereux pour la stabilité du pays et sa capacité à dépasser la crise actuelle. Il est clair que la situation présente du pays, à tous les niveaux, n'est pas tant à la préparatio­n de la prochaine présidenti­elle, elle se fera en temps opportun, mais ce que l'on va exiger du prochain présidenti­able à partir des données sociales, économique­s et géopolitiq­ues actuelles pas très engageante­s. Une éventualit­é écartée d'un tour de main par les partis du pouvoir qui, à l'image du patron du RND et actuel Premier ministre, ont appelé le président Bouteflika à briguer un 5ème mandat pour «poursuivre sa mission à la tête de l'etat». Au fait, faut-il s'attendre à une autre posture de partis qui ont jusqu'ici gravité dans les travées du pouvoir ? Le contraire aurait été étonnant et il ne reste plus, pour tout le monde, que d'attendre la réaction du chef de l'etat.

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