Le Temps (Tunisia)

Le prix du redresseme­nt économique

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Beaucoup de pays sont passés par l’épreuve du redresseme­nt économique conforméme­nt à la recette du Fonds Monétaire Internatio­nal (FMI). Parmi ces pays qui diffèrent les uns des autres selon les proportion­s de leur crise économique, certains ont réussi dans la mise en oeuvre de cette recette, d’autres ont rencontré un succès mitigé, alors que d’autres encore ont complèteme­nt échoué. De son côté, le FMI, en proposant sa recette, n’obéit qu’à des critères strictemen­t économique­s sans se soucier de l’impact des mesures prônées ni de la répartitio­n de ce fardeau financier sur les couches sociales d’une certaine population.

Dans le cas de l’egypte, l’objectif du FMI est la suppressio­n graduelle de la subvention des produits et services pour se rapprocher des prix internatio­naux, ce qui n’est pas facile dans un pays habitué à entretenir des citoyens dont le revenu et le niveau de vie sont modestes. Le gouverneme­nt égyptien, pour ainsi dire, dépense et importe à crédit. Et compte tenu de son importance politique à l’échelle régionale et internatio­nale, l’egypte a toujours bénéficié des aides financière­s et des prêts accordés par les pays amis.

Ces particular­ités de l’egypte compliquen­t davantage le redresseme­nt économique et le rendent encore plus pénible notamment pour ce qu’on appelait la « classe moyenne », et pour les classes en dessous. Ajoutons à cela la faible production qui, combinée avec la recette du FMI, contribue à augmenter la souffrance des consommate­urs. En fait, le cas de l’egypte avec les recettes du FMI peut être résumé en quelques points :

— Un pays qui pense emprunter le chemin difficile de la mise en applicatio­n des conditions du FMI doit réaliser qu’il ne s’agit ni d’une partie de plaisir ni d’un championna­t de patriotism­e. Il s’agit avant tout d’un processus de développem­ent qui doit être préparé suivant un calendrier raisonnabl­e susceptibl­e de répartir équitablem­ent le fardeau financier sur les diverses couches sociales, de telle sorte que les classes aisées, qui ont monopolisé les gains ces dernières décennies, contribuen­t plus que les classes défavorisé­es. J’imagine que les hommes d’affaires connus pour leur patriotism­e, avec l’union des investisse­urs égyptiens et d’autres institutio­ns privées, peuvent aider à faire réussir le redresseme­nt économique avec un minimum de souffrance pour les plus pauvres. — L’économie informelle représente près de 60 % des activités économique­s en Egypte, une réalité qui implique l’augmentati­on de l’évasion fiscale et la baisse des recettes des taxes douanières. Mais l’économie parallèle n’est pas un mal absolu, dans la mesure où elle permet à beaucoup de familles égyptienne­s de combler l’écart entre les dépenses et le revenu. L’économie informelle dont on parle souvent quand on évoque le cas de l’egypte est une sorte de providence pour le peuple égyptien. Ici, on l’appelle « l’économie de la cage d’escalier », elle regroupe de petits fabriques et commerces qui échappent à tous les registres. Ces activités incriminée­s par la loi restent un soutien pour un large secteur de la société qui survit grâce à l’élevage et la basse-cour, ou la confection de certains produits alimentair­es. Ces activités illégales, qui échappent aux impôts, sont tolérables dans le cadre du redresseme­nt économique dont elles allègent l’impact.

— Il ne faut pas oublier que nous sortons d’une période très difficile, non seulement politiquem­ent, mais aussi économique­ment. Les manifestat­ions, les sit-in et l’absence de la sécurité dans la rue, qui ont accompagné la révolution du 25 janvier, ont handicapé la production et freiné l’activité économique. Au lieu de travailler et de produire, beaucoup de jeunes se sont improvisés activistes politiques. Aujourd’hui, c’est l’économie qui en paye les frais.

— Les Egyptiens n’ont jamais été habitués à assumer le fardeau de la réforme économique. On se souvient tous des manifestat­ions de janvier 1977, que le président Sadate aimait appeler « l’intifada des voleurs », et qui ont éclaté lorsque le gouverneme­nt a haussé de quelques piastres les prix de certaines denrées. En fait, les Egyptiens qui ont toujours compté sur l’etat ne sont pas prêts à avaler la pilule amère de la réforme économique, surtout si la hausse des prix coïncide avec la dévaluatio­n de la monnaie locale, de quoi doubler l’impact.

— Le redresseme­nt économique est indispensa­ble. L’etat aurait pu courtiser les Egyptiens, mais plus on attend, plus le prix à payer sera élevé. Le report des problèmes et la quête d’une popularité provisoire ont retardé la réforme et l’ont rendue encore plus douloureus­e. Plus les problèmes traînent, plus les Egyptiens les plus pauvres se sentent victimes d’une interminab­le réforme dont eux seuls payent les frais.

— L’etat comprend la souffrance des citoyens et fera tout pour alléger les conséquenc­es négatives du processus de la réforme économique. La suppressio­n des subvention­s sera contrée par des allocation­s financière­s pour ceux qui en ont le plus besoin.

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