Pouvoir renforcé pour Erdogan
Turquie-investiture
Recep Tayyip Erdogan, réélu le mois dernier à la tête de l'etat turc, a prêté serment hier avec des pouvoirs présidentiels accrus qu'il dit vouloir utiliser pour faire de la Turquie une grande puissance économique.
Le président prêtera serment devant le Parlement à 16h00 (13h00 GMT), avant d'assister à une cérémonie deux heures plus tard dans l'immense palais présidentiel qu'il a fait construire dans la capitale. Il devait annoncer la composition de son gouvernement hier soir avec une équipe ramassée, le nombre des ministres devant être ramené de 20 à 16.
La réforme constitutionnelle qui est entrée en vigueur hier supprime le poste de Premier ministre et autorise le président à former ou à dissoudre le gouvernement et à limoger les membres de la fonction publique sans l'approbation du Parlement. Recep Tayyip Erdogan a annoncé vendredi que ses ministres ne seraient pas forcément issus des rangs parlementaires de sa formation, le Parti de la justice et du développement (AKP).
Recep Tayyip Erdogan a fait voter de justesse par référendum l'an dernier sa réforme des institutions politiques qu'il avait organisée pour remplacer le système de démocratie parlementaire en vigueur par un système présidentiel. Il a ensuite convoqué des élections anticipées qui lui ont permis d'être réélu et d'inaugurer ses pouvoirs renforcés.
Recep Tayyip Erdogan affirme que sa réforme, la plus importante depuis la fondation de la République turque par Mustafa Kemal Atatürk sur les ruines de l'empire ottoman il y a près d'un siècle, sont nécessaires pour stimuler la croissance économique de la Turquie et garantir sa sécurité.
Les partisans du président ne voient dans cette réforme qu'une récompense pour un dirigeant qui a placé les valeurs islamistes au coeur de la vie publique, défendu les classes laborieuses attachées à la religion et construit des aéroports, des hôpitaux et des écoles.
"La Turquie entre dans une nouvelle ère avec la cérémonie du serment présidentiel hier", a déclaré Recep Tayyip Erdogan lors d'une réunion de L'AKP, ce week-end. "Avec les pouvoirs qui nous sont accordés par le nouveau système présidentiel, nous obtiendrons des résultats plus rapides et plus solides", a-t-il ajouté.
Emprise
Ses opposants craignent une dérive vers l'autoritarisme. Ils accusent Erdogan de vouloir affaiblir les institutions laïques mises en place par Mustafa Kemal Atatürk et d'éloigner la Turquie des valeurs occidentales de démocratie et de liberté d'expression.
A la veille de l'investiture, un décret a été pris dimanche annonçant la mise à pied de plus de 18.000 fonctionnaires dans l'anticipation de la levée de l'état d'urgence attendue courant juillet. L'état d'urgence a été instauré il y a deux ans dans la foulée du coup d'etat manqué de juillet 2016, attribué aux réseaux du prédicateur musulman en exil Fethullah Gülen.
Plus de 150.000 employés de l'etat ont perdu leur emploi suite à la tentative de putsch de juillet 20106. Quelque 77.000 d'entre eux ont été officiellement inculpés et placé en détention préventive dans l'attente de leurs procès, selon des données fournies en avril par le ministre turc de l'intérieur.
La séance inaugurale de la nouvelle législature, également élue le 24 juin, aura également lieu lundi. L'AKP dispose de 295 des 600 sièges et ses alliés du Parti d'action nationaliste (MHP) ont 49 sièges. Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, d'abord en tant que Premier ministre et ensuite en tant que président, Recep Tayyip Erdogan a peu à peu resserré son emprise sur la Turquie et ses 81 millions d'habitants et a affaibli les centres de pouvoir rivaux, à commencer par l'armée.
Sous sa direction, Ankara a entamé des négociations d'adhésion avec l'union européenne. Elles se sont enlisées, L'UE ayant déclaré insuffisant le niveau des droits de l'homme en Turquie.
Les liens avec les États-unis et d'autres partenaires de l'otan se sont également effrités, mais la Turquie reste un partenaire crucial en ce qui concerne la Syrie et l'irak et pour freiner les flux de réfugiés vers l'europe.
En interne, le président aux pouvoirs renforcés sera vraisemblablement jugé sur sa capacité à améliorer le niveau de vie de ses compatriotes. L'inflation a dépassé 15% le mois dernier, son plus haut niveau en plus d'une décennie, malgré des hausses de taux d'intérêt de 500 points de base par la banque centrale depuis avril. La livre turque a chuté de 20% face au dollar cette année.
"Nous ne pourrons nous arrêter tant que nous n'aurons pas amené la Turquie, que nous avons sauvée des comploteurs, des putschistes et des tueurs à gages politiques et économiques, des gangs de rue et des organisations terroristes, parmi les dix premières économies du monde", a déclaré Recep Tayyip Erdogan.