Pour une tutelle internationale du dossier des migrants syriens
«L’excès du langage est un procédé coutumier à celui qui veut faire diversion », écrivait François Mitterrand (L’abeille et l’architecte, 1978). Or, plus que jamais, depuis la triste ère syrienne, les sujets politiques réactogènes qui surgissent dans le débat public sont, à de très rares exceptions près, des sujets de diversion. Il en a été ainsi de la stratégie de défense, de la politique de distanciation ; de la démocratie dite « consensuelle » ; des quorums et des majorités de vote de l’assemblée nationale ; de la grille des salaires, des quotas de participation au pouvoir exécutif, du « droit » sacré du candidat dit fort à « l’éligibilité obligatoire » à la première magistrature, de la loi électorale endémique mais toujours inique et très souvent anticonstitutionnelle dans ses multiples épisodes, etc.
De tels sujets ont été des moyens de diversion destinés à noyer le poisson mais aussi, et surtout, à susciter et attiser les inexorables dissensions destinées à fragmenter de plus en plus et démembrer la fratrie de la maison libanaise. Dans l’immédiate foulée de la consternante tartufferie des élections législatives (due à une loi électorale inique et anticonstitutionnelle), le très lourd dossier des migrants syriens a ainsi resurgi brusquement, avec un conflit déclenché par le « grenier » Bustros contre le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), accusé de freiner toute démarche de retour volontaire des déplacés en Syrie. Avec, pour toile de fond ubuesque : l’adoption en avril du décret présidentiel syrien n° 10, qui dépossède de facto certains déplacés de leurs biens ; un décret de naturalisation incongru, accouché avant terme début mai, et dont les majeurs bénéficiaires sont des repris de justice et des malfrats patentés ; un premier rapatriement d’une fournée de quelques 3 500 migrants syriens ; et enfin, un Premier ministre « plébiscité » mais paradoxalement condamné à un blocage qui risque de perdurer dans la formation du prochain cabinet. L’on est donc largement en droit (et en devoir) de s’interroger sur le timing et l’objectif du lancement d’une telle bombe à fragmentations mortelles…
Toujours est-il que le dossier épineux des migrants syriens ne devrait point être approché au niveau local, lui déjà sévèrement métastasé par une caste politique qui ne fait plus que dans la prévarication et le brigandage. Dans l’histoire honteuse des migrations massives des populations, aucun État, aussi puissant, souverain et économiquement nanti fût-il, n’a été capable de contenir à lui seul les problèmes des déplacements massifs. Que dire alors de ce Liban, verticalement fragmenté, socialement scindé et économiquement en état de coma et de mort clinique ?
D’ailleurs, les droits des migrants et le recours à des politiques migratoires adaptées avaient été évoqués dans les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés à l’unanimité par les Nations unies en 2015, qui avaient recensé près de 400 millions de déplacés dans le monde. Plus tard, le 19 septembre 2016, l’assemblée générale de cette organisation a adopté à l’unanimité la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants qui a « réaffirmé l’importance du régime international applicable aux réfugiés et préconisé un vaste éventail d’engagements pris par les États membres qui visent à renforcer et à améliorer les mécanismes de protection des personnes qui se déplacent ». Les États membres ont également convenu des éléments fondamentaux d’un cadre global d’action pour les réfugiés et décidé d’oeuvrer en vue de l’adoption de deux nouveaux pactes d’ici à la fin 2018 : un pacte mondial sur les réfugiés et un pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières...