Le Temps (Tunisia)

A quoi joue Trump?

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Les pays membres de l’alliance atlantique se sont retrouvés à Bruxelles hier et aujourd’hui pour un sommet qui s'annonce tendu. Donald Trump a toujours montré une grande défiance vis-à-vis de l'otan, qu’il qualifie de « fardeau ».

C’est son obsession. Donald Trump exige que ses alliés de l’otan augmentent leurs dépenses militaires et y consacrent 2% de leur PIB d’ici 2024. C’était l’engagement pris par les membres de l’alliance atlantique lors du sommet du Pays de Galles, en 2014. Depuis, même si chaque Etat a fait des efforts, ils ne sont que sept à remplir le contrat. La France doit atteindre cet objectif en 2025. « Donald Trump, et Barack Obama avant lui, avaient raison de rappeler cet engagement qu’il faut maintenant commencer à mettre en oeuvre », consent Alexandra de Hoop Scheffer, politologu­e et directrice à Paris du German Marshall Fund of the United States (GMF). « Mais Trump le rappelle de manière particuliè­rement brutale ».

Fin juin, le président américain n'a pas hésité à envoyer des courriers comminatoi­res, des rappels à l'ordre lourds de menaces, à plusieurs pays de l’union européenne. Parmi eux, Allemagne, ou encore la Belgique, hôte de ce sommet et lanterne rouge en matière de dépenses militaires. « Il s’agit, du point de vue des Américains, de partager le poids du fardeau. Les dépenses des Etats-unis en matière de défense sont bien supérieure­s et atteignent entre 3 et 4% du PIB », note Boris Toucas, chercheur invité au Center for Strategic and Internatio­nal Studies (CSIS), à Washington

« Trump ne comprend que ce qu’il peut traduire en chiffres » Donald Trump ne porte pas les organisati­ons multilatér­ales dans son coeur. Toutes, ou presque, sont accusées de faire perdre de l’argent au contribuab­le américain, et l’otan ne fait pas figure d’exception. « Pour lui, ces institutio­ns ne valent que si elles rapportent directemen­t et de façon matérielle aux Etats-unis », analyse Robert Malley, président d'internatio­nal Crisis Group (ICG) à Washington. « Donald Trump ne comprend pas ce qui relève de l’abstrait, des valeurs communes, ce qu’il ne peut pas traduire en chiffres. Très tôt, il a demandé à ses conseiller­s de lui expliquer ce que rapportait l’otan aux Etats-unis, car les dangers auxquels le monde occidental faisait face à l’époque de la création de l’otan, en 1949, ne sont plus les mêmes ». Pour l’ancien conseiller de Barack Obama, le président américain « pose des questions légitimes, mais y apporte presque toujours les mauvaises réponses ».

Si l’on en croit Alexandra de Hoop Scheffer, l'alliance atlantique sert pourtant encore largement les intérêts américains. « Les missions de L'OTAN ont été élargies au-delà des frontières de l'alliance atlantique : en Afghanista­n, en Irak, sur les questions migratoire­s. Cette transforma­tion va plus dans le sens des intérêts américains que dans le sens de priorités européenne­s », estime la politologu­e, pour qui la vision de l’otan s’est « trumpisée » aux Etats-unis.

Pourquoi dépenser pour la sécurité des autres ?

Pour la première fois depuis la création de l'alliance, il y a près de 70 ans, le soutien de Washington apparait conditionn­é. Donald Trump exige des contrepart­ies commercial­es en échange de la défense de l’union européenne, qu’il estime assumer. Dans la balance : la vente d’équipement­s militaires américains – notamment des avions de combat –, mais aussi les droits de douane sur l’aluminium et l’acier américain. « Trump pense que plus les Européens vont être déstabilis­és, s'inquiéter de la fiabilité de l'engagement américain sur les questions stratégiqu­es et de défense, plus il va obtenir de leur part des concession­s sur le plan commercial », poursuit Alexandra de Hoop Scheffer, du GMF. « Le problème c'est qu'en exerçant ce type de tactiques envers vos alliés les plus proches, vous fragilisez le socle de valeurs de l’alliance atlantique et vous faites le jeu de dirigeants comme Vladimir Poutine ».

Ce n’est pas une coïncidenc­e : le président américain doit justement rencontrer le dirigeant russe juste après, lundi 16 juillet à Helsinki. L’histoire se répète : lors du G7 organisé au Canada au mois de juin, Donald Trump s’était fermement opposé à ses alliés pour mieux sourire au dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, quelques jours plus tard à Singapour.

Le poids de la rencontre Trump-poutine

Cette rencontre avec Vladimir Poutine va donc peser sur l’atmosphère du sommet de Bruxelles. « Il a, on le voit, beaucoup plus envie d’aller voir son homologue russe qu’il n’a envie de passer du temps avec ses alliés de l’otan, croit savoir Robert Malley, de L’ICG. C’est là qu’il pense vraiment faire des deals. Il rêve de ce sommet depuis longtemps ».

Donald Trump a encore assuré mardi que cette rencontre avec Vladimir Poutine serait « plus facile » que le sommet de Bruxelles, ce qui constitue un nouveau camouflet pour ses alliés. En effet, rappelle Boris Toucas, du CSIS, Moscou a toujours cherché à affaiblir l'otan : « La Russie sait bien que l'otan fonctionne strictemen­t au consensus et qu’en démobilisa­nt certains Etats, en les faisant changer d’avis, elle grippe la dynamique. Donald Trump agit un peu de la même manière vis-à-vis de ses partenaire­s européens. L’ensemble de ces pressions, côté russe et côté américain, commence à mettre en danger la dynamique de consensus de l'alliance ».

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