Trump pointe la responsabilité de Poutine
Dans le monde opaque des services secrets, un officier traitant est chargé de recruter et de gérer un ou plusieurs espions dans un pays étranger. Le récent Sommet d'helsinki était-il l'occasion pour Donald Trump de rencontrer son officier traitant avec qui il a passé deux heures en tête-à-tête ? La question n'est plus taboue pour le milieu politique américain.
Jusqu'ici, ce scénario tenait du roman de science-fiction. En 1959, The Mandchourian Candidate, un livre - repris en 2004 par Hollywood - racontait l'histoire d'un candidat présidentiel manipulé par une puissance étrangère grâce à un implant introduit à son insu dans son cerveau.
La réalité rejoindrait-elle la fiction ? Lundi dernier, lors de la conférence de presse clôturant le Sommet d'helsinki, on a assisté à une scène surréaliste quand un journaliste américain a demandé à Vladimir Poutine s'il détenait un dossier compromettant sur son propre président, présent à ses côtés. Le Russe s'en est tiré par une pirouette: il ignorait tout des séjours de Trump à Moscou avant son accession à la Maison Blanche, un businessman occidental parmi tant d'autres. Poutine, qui a évoqué au passage son passé d'espion, n'ignore pourtant rien de l'art du Kompromat qui a fait la force des services russes bien avant l'union soviétique et l'actuelle Russie. Il s'agit d'accumuler des informations sur des visiteurs étrangers intéressants pour éventuellement s'en servir au cas où… Or, les relations d'affaires de la société Trump avec la Russie ne sont nullement un secret. Pour l'ex-kgb, ne pas s'y intéresser aurait été une faute professionelle. Ainsi, le Financial Times a consacré deux pleines pages à tenter de démêler l'écheveau très embrouillé des connections de Trump avec des oligarques et des banques russes, qui lui avaient accordé de généreux crédits à un moment où ses investissements immobiliers battaient de l'aile, en l'occurrence un vaste projet de tour à Toronto. L'un de ces établissements, la Vnesheconombank, appartient à l'etat russe et son président, en 2010, n'était autre qu'un certain Vladimir Poutine.
Bien sûr, en l'absence de preuves formelles, cela signifie pas qu'il y ait là matière à chantage ou indice de collusion avec la campagne électorale de Trump. Pour le savoir, il faudra attendre la conclusion de l'enquête du procureur spécial Robert Muller, un homme d'une grande discrétion, d'autant plus redoutable.
Mais d'autres ont déjà sauté le pas. Ainsi, l'ancien chef de la CIA, John Brennan, commentant l'ingérence de la Russie dans la campagne présidentielle de 2016, a qualifié de "haute trahison" la préférence donnée par Trump aux dénégations de Poutine sur les conclusions accablantes des ses propres services.
A tout le moins, la présente campagne, en vue des midterms de cet automne, ne manquera pas de piquant !