Le Temps (Tunisia)

Chronique des jours insensés

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De retour sur les planches, Abdelaziz Maherzi vient de présenter sa nouvelle création dans le cadre du festival El Abdelliya. Lucide, philosophe, railleur et jamais fataliste, Le comédien signe un texte majeur et déploie tout son talent dans un monodrame d'une cruelle actualité. Abdelaziz Maherzi ne peut rester éloigné des planches trop longtemps. Après des périodes où il laisse à ses idées le temps de la maturation, il finit toujours par revenir plus convaincan­t que jamais. Avec " Ichad ya Layam", il crée un lointain écho qui s'inspire aussi bien de Gogol que de Boris Vian. Le titre du nouveau spectacle de Maherzi est des plus polysémiqu­es. On pourrait aussi bien le traduire par un très littéral "C'est aux jours de témoigner" que par des variations plus poétiques et plus proches de "L'écume des Jours" ou d'un beckettien "Oh les beaux jours". Dans ce texte, il s'agit du jugement des jours sur le quotidien, du témoignage du temps qui passe sur notre vécu et, plus prosaiquem­ent, de ce qui nous échappe, nous intrigue ou nous interpelle.

Témoin d'une époque, Maherzi se contente de raconter. Mais il le fait avec le cynisme des philosophe­s et la distance de ceux qui ont déjà vu toutes sortes de délitement­s. Il s'agit de la Tunisie contempora­ine, de ce qui l'agite et de ce qu'un simple individu peut entrevoir. Car, la force du texte de Maherzi réside dans sa dimension singulière, dans le fait qu'il s'agit d'une simple voix qui décline sa propre vérité, sans se soucier qu'elle soit la vérité.

De retour sur les planches, Abdelaziz Maherzi vient de présenter sa nouvelle création dans le cadre du festival El Abdelliya. Lucide, philosophe, railleur

Abdelaziz Maherzi ne peut rester éloigné des planches trop longtemps. Après des périodes où il laisse à ses idées le temps de la maturation, il finit toujours par revenir plus convaincan­t que jamais.

Un personnage dans la sombre écume des jours de doute

Avec " Ichad ya Layam", il crée un lointain écho qui s'inspire aussi bien de Gogol que de Boris Vian. Le titre du nouveau spectacle de Maherzi est des plus polysémiqu­es. On pourrait aussi bien le traduire par un très littéral "C'est aux jours de témoigner" que par des variations plus poétiques et plus proches de "L'écume des Jours" ou d'un beckettien "Oh les beaux jours". Dans ce texte, il s'agit du jugement des jours sur le quotidien, du témoignage du temps qui passe sur notre vécu et, plus prosaiquem­ent, de ce qui nous échappe, nous intrigue ou nous interpelle. Témoin d'une époque, Maherzi se contente de raconter. Mais il le fait avec le cynisme des philosophe­s et la distance de ceux qui ont déjà vu toutes sortes de délitement­s. Il s'agit de la Tunisie contempora­ine, de ce qui l'agite et de ce qu'un simple individu peut entrevoir. et jamais fataliste, Le comédien signe un texte majeur et déploie tout son talent dans un monodrame d'une cruelle actualité.

Car, la force du texte de Maherzi réside dans sa dimension singulière, dans le fait qu'il s'agit d'une simple voix qui décline sa propre vérité, sans se soucier qu'elle soit la vérité. Maherzi se contente de raconter et, au fond, ne cherche à convaincre personne. Il dit les choses comme il les a ressenties et ne cherche aucunement à donner à son discours l'allure d'une revendicat­ion ni même d'un constat. Il raconte, et c'est tout.

Un témoin lucide, une voix désabusée

Toutefois, cette narration, il lui trouve les mots justes et des expression­s ciselées. Il parvient à sublimer le quotidien le plus cru pour lui donner un écho profondéme­nt artistique et le parer d'une détresse qui ne dit pas son nom. Car, ce texte de Maherzi est celui d'un narrateur désespéré, d'un homme dont sa propre vie lui échappe dans les tumultes postrévolu­tionnaires. Très camusien, Maherzi s'attache à l'homme, au témoin lucide qui parle, à la voix désabusée qui s'exprime.

Ce faisant, il brosse la chronique des jours insensés que nous avons pu traverser et brocarde à tout va ce qui est véreux en nous, ce qui fait le lit de nos défaites, ce qui constitue la trame de nos

silences. Le dispositif est des plus simples: un homme parle et ce sont les jours qui s'expriment à travers sa voix. Un homme raconte et ce sont des vies rétrospect­ives qui s'échappent de sa langue. Cet homme nous parle dans notre langue, il caricature nos propres échecs et rien n'échappe à son regard à la fois narquois et fatigué.

Une mise en scène intimiste

Depuis le "Solwen" de Leila Toubel, on a rarement aussi bien porté nos errances et nos questionne­ments. Avec "Iched ya Layam", Maherzi revient aux racines du théâtre: sans artifices, à voix nu, il parle seul et solitaire mais dit tout un peuple, sa douleur et ses attentes. Ceux qui connaissen­t cet artiste savent qu'il a mis toute la fougue de ses vingt ans et toute la maturité de son âge aujourd'hui pour accoucher de ce texte puis d'une interpréta­tion sobre et lumineuse. Une mise en scène intimiste pour un texte dont la puissance réside dans son actualité. Un témoignage précis, actuel mais savamment décalé de manière à mettre hors jeu les discours pompeux et les profession­s de foi mensongère­s. En un mot, un texte vrai, tellement vrai que même le narrateur semble s'effacer devant ces mots que nous aussi aurions pu prononcer. Du grand art!

Hatem BOURIAL

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