Le Temps (Tunisia)

Inculture générale !

- Zouhour HARBAOUI

Plus ça va et plus nous devenons, nous les Tunisiens, champions de l’inculte générale. C’est vrai que cela n’est, en partie, pas notre faute, mais de l’autre ça l’est ! Pour avoir un semblant de culture générale, il faut un minimum de curiosité sain. Malheureus­ement, nous avons un maximum de cette curiosité malsaine. On préfère les ragots et les faits divers que l’on peut répéter à l’infini y ajoutant notre sel pour donner notre version comme si on avait assisté aux faits.

Nous n’avons pas encore le réflexe de faire des recherches pour nous instruire et nous cultiver. Nous préférons gober sans mastiquer et accepter, comme vrai, tout ce que l’on nous dit et tout ce que l’on entend, car nous sommes paresseux du cerveau.

En plus, les personnes qui se disent et se prétendent cultivées sont celles qui en savent le moins. Le problème qui se pose est que lors de concours pour des postes d’enseigneme­nt il y a des questions de culture générale. Récemment, soit vendredi 27 juillet, un concours s’est déroulé du côté du collège Sadiki. Ce concours a été organisé afin de choisir 40 candidats pour se rendre, en Europe, enseigner la langue arabe aux enfants de notre diaspora. Le QCM (questions à choix multiples) était composé de questions de culture générale : 20 en arabe, 20 en français et 20 en anglais. A la question en français n°24 (épreuve B) qui demandait qui a écrit le roman «Ce que le jour doit à la nuit», un des quatre choix était… «Balzac» ! Non, non, ce n’est pas une erreur de notre part. Si, si, vous avez bien lu «Balzac». Comment peut-on poser des questions de culture générale quand on ne sait même pas orthograph­ier un nom. Parce que le nom de l’auteur français de «Germinal», «L’assommoir» et autres «Nana» s’écrit avec un «z» et non un «s», donc «Balzac». Passe encore pour Athènes dont on a oublié le «s» final mais pas pour «Balzac». En anglais, le «mustn't» est devenu «musn’t»…

Toujours à ce concours, durant lequel les smartphone­s étaient supposés être interdits, certains candidats ne se sont pas gênés pour sortir le leur et trouver les bonnes réponses aux questions sur Internet, et ce, malgré la surveillan­ce. Et après on va envoyer des incultes donner des cours d’arabe aux enfants de nos «émigrés». Les petits vont les laminer !

Quand on prend les transports en commun, on entend également des vertes et des pas mûres. Il y a quelque temps, deux jeunes adolescent­es d’une quinzaine d’années étaient en pleine discussion sur le mois de février. L’une disait à l’autre que ce mois du calendrier grégorien comptait 30 jours, ce à quoi l’autre répondait qu’il en comptait 31. Après avoir défendu leur position respective pendant un moment, celle au 31 jours dit à son amie: «Oui, tu as raison ! Le mois de février compte bien 30 jours!»…

Un professeur a été envoyé dans une petite ville du nord-ouest du pays pour y enseigner le théâtre. Il a posé une question toute simple à ses élèves : «Quelle pièce de théâtre connaissez-vous ?». Tout le monde a répondu… «Mekki et Zakia» !

Il y a quelques années (je crois trois ou quatre ans), un reportage pour un journal télévisé avait pour sujet la Foire du Livre. La journalist­e a questionné une visiteuse et lui a demandé si elle lisait beaucoup de livres par an. La visiteuse répondit que oui. Et la journalist­e de s’enquérir du nombre. Ce à quoi la visiteuse répliqua fièrement… trois ! C’étaient sûrement des livres de cuisine ou des livres pour enfants !

Une fois, une animatrice télé déclara qu’un artiste tunisien dont elle parlait avec ses collègues sur plateau était mort en 1922. Un de ces collègues lui a dit que son informatio­n était fausse. Elle lui rétorqua qu’elle était juste parce qu’elle l’avait trouvé sur… Internet. En fait, cet artiste était décédé en 1982…

Ce ne sont que quelques exemples. Et, il est vrai que l’on ne peut pas tout savoir –et heureuseme­nt car sinon notre cerveau serait saturé. Mais, il y a toute une éducation culturelle à (re)faire chez nous… pour éviter cette inculture générale.

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