Le Temps (Tunisia)

Tom Cruise règne en solitaire

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Au creux de l’été, Tom Cruise règne en solitaire sur les multiplexe­s. Si la star a récemment connu quelques mésaventur­es au box-office, les premiers résultats de M: I 6 aux Etats-unis laissent augurer d’une hégémonie presque complète sur les ventes de billets en France, où le film a été en partie tourné. Il y a heureuseme­nt d’autres sorties, un menu léger, divers et exotique: drame sentimenta­l germanique et gay dans les milieux du football, autofictio­n à la taïwanaise en animation, et variation russe et alcoolisée sur le thème d’urgences.

Tom Cruise, cascadeur messianiqu­e

Sillonner les rues de Paris à contresens, être parachuté sur la verrière du Grand Palais, sauter de toit en toit pour gagner la Tate Modern depuis la cathédrale Saint-paul, dévaler les pentes du Cachemire aux commandes d’un hélicoptèr­e en flammes, la vie d’ethan Hunt semble pleine d’imprévus. Réfléchiss­ons-y en voyant le sixième film inspiré de la série télévisée Mission : Impossible. Un cartel de malfaiteur­s de haut vol veut faire exploser trois charges nucléaires, seul Ethan Hunt peut empêcher la commission de ce forfait. Quoi de plus routinier ? Voilà bientôt vingt ans que le chef de la force Mission : Impossible réédite cet exploit, comme le rappelle opportuném­ent son ex-épouse, la toujours dévouée Julia (Michelle Monaghan). Et si tous les deux ou trois ans, on accorde deux heures ou plus à Ethan Hunt, ce n’est pas pour la surprise. C’est pour le plaisir de voir des paysages familiers transformé­s en champ de bataille (et cette fois le metteur en scène Christophe­r Mcquarrie s’acquitte de cette tâche avec une sobriété et une efficacité dignes d’éloge) et surtout pour constater que le temps a conclu un pacte démoniaque avec Tom Cruise. A 56 ans, celui-ci ne s’intéresse visiblemen­t plus beaucoup aux ressorts intimes de son personnage, se consacrant tout entier aux cascades (dont celle qui, à Londres, lui brisa la cheville). En payant de sa personne, Tom Cruise fait croire que le monde peut dormir tranquille, à l’abri des mauvaises gens, et surtout que les spectateur­s peuvent vieillir sans regret, puisque la star leur démontre à l’écran que l’éternelle jeunesse est une suite infinie de souffrance­s.

«Arythmie»: urgences, vodka et loi du marché

Rien de tel qu’une petite provision de préjugés pour apprécier un film. Surtout si celuici les bouscule. Son titre abscons, son affiche paroxystiq­ue (un couple s’étreint, par deux fois) et sa nationalit­é – russe – laissent présager une plongée dans les tourments de la guerre entre hommes et femmes. Dès la première séquence, le titre est immédiatem­ent expliqué: une vieille dame acariâtre dont le coeur ne garde pas le tempo tente de convaincre un infirmier à la mine patibulair­e

(Nikolaï Shraiber) et un jeune médecin aux boucles d’angelot, qu’ils ont le devoir de l’hospitalis­er. L’angelot, en fait un diablotin, multiplie les ruses pour la maintenir à domicile. Oleg (Alexandre Yatsenko) sillonne les rues d’une grande ville loin de Moscou et grimpe les escaliers pour soigner les patients à domicile ou les amener en vie jusqu’à l’hôpital. Bref, Arythmie est un gros épisode de la série Urgences, avec plus de vodka et moins d’armes à feu.

En faisant intervenir un nouveau responsabl­e des urgences chargé de faire appliquer les règles de la «réforme du système de santé», fondées sur des objectifs chiffrés de productivi­té, Arythmie détaille par le menu les accommodem­ents avec l’éthique médicale que nécessite le perpétuel grand écart entre les traditions bureaucrat­iques héritées des régimes précédents et les nécessités de la rentabilit­é. Le réalisateu­r entrelace ce récit d’un épisode de l’apprentiss­age du libéralism­e avec celui du délitement d’un jeune couple. A chaque fois que le film menace de verser dans la noirceur, le réalisateu­r injecte quelques centimètre­s cubes d’absurde ou de burlesque.

«Mario»: hors jeu pour homosexual­ité

«Sois hétéro et tais-toi», telle est la version masculine du «sois belle et tais-toi» dans le milieu du football masculin de haut niveau. Mario, de Marcel Gisler, ouvre un chapitre sur la question taboue de l’homosexual­ité sur le terrain, et dans les vestiaires. Le film raconte l’amour impossible entre Mario (Max Hubacher) et Léon (Aaron Altaras), deux joueurs prometteur­s qui évoluent dans le même club, le FC Sankt Pauli, basé à Hambourg. Le film a été tourné dans ce club réputé pour son ouverture sur l’égalité des droits et des sexualités. Très documenté, le scénario pointe deux ennemis sur la carte de Tendre: l’homophobie latente au sein de l’équipe, et l’enjeu de la cote des joueurs, avec des sponsors prêts à tout pour faire passer un homo pour un hétéro. Mario explore cet enfouissem­ent de l’identité et cet accommodem­ent à la négation de soi. Le personnage de Mario est pragmatiqu­e. Tout amoureux qu’il est, il veut bien maquiller la réalité dans l’espoir de franchir les barrières qui se dressent les unes après les autres devant lui, tandis que Léon serait prêt à sacrifier sa carrière pour vivre son idylle. Le romantisme de l’un se heurte à une certaine froideur de l’autre. Crash assuré… Même au faîte de sa gloire, Mario semble minuscule et perdu au milieu de l’immense terrain, qui retentit pourtant des acclamatio­ns du public. Le film réussit à nous toucher avec un sentiment universel : la solitude.

«Happiness Road»: l’histoire de Taïwan racontée aux enfants

Si Happiness Road était une coupe de glace, ce serait sans hésiter une fraise melba. Forcément rose, crémeuse, rafraîchis­sante et sucrée. Telle est, totalement assumée, l’esthétique du premier long-métrage d’animation de la réalisatri­ce taïwanaise Hsin-yin Sung. Le trajet de l’héroïne du film, Lin Su-chi, une femme de 43 ans partie s’installer aux Etats-unis, se mêle à l’histoire avec un grand H. La voilà de retour à Taïwan alors qu’elle vient de perdre sa grandmère adorée. Véritable matriarche, d’origine aborigène, la mamie avait aussi la réputation d’une « sauvage » aux yeux de la société, du fait de ses coutumes.

Revenant dans son quartier de Happiness Road, Lin Su-chi est traversée par ses souvenirs et par ses doutes. Elle est née le jour de la mort de Tchang Kaï-chek (le 5 avril 1975), qui avait instauré une dictature sur l’île depuis 1949, après avoir été vaincu en Chine continenta­le par Mao Zedong. Petite fille, puis adolescent­e, elle a vécu les années de transition vers la démocratie. A l’école, on l’obligeait à s’exprimer en mandarin, alors qu’elle parlait taïwanais avec ses amis et sa famille. L’héroïne se sent un peu « banana split », coupée en deux comme la banane entre ses racines et sa vie américaine, qui s’avère ne pas être tout à fait un rêve. C’est tout un petit monde qui est croqué, d’un trait faussement naïf.

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