Le Temps (Tunisia)

Des millions de Musulmans sous la menace de la déchéance de nationalit­é

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En Inde, près de 4 millions de personnes, principale­ment des musulmans, pourraient perdre leur nationalit­é à la suite d'un processus de recensemen­t. Celui-ci est mené dans l'etat de l'assam, frontalier avec le Bangladesh et a pour but d'identifier les migrants illégaux qui sont arrivés depuis ce pays voisin dans les 47 dernières années. Une première liste vient d'être rendue publique, excluant 4 millions de résidents. Les autorités craignent des tensions.

Cela fait des années que cette liste est réclamée car la frontière entre cette région de l'assam, au nord-est de l'inde, et le Bangladesh, est très poreuse. Et dans les années 1970, des centaines de milliers de Bangladais la traversent pour fuir les affronteme­nts de la guerre d'indépendan­ce du Bangladesh. Certains réfugiés restent et obtiennent la nationalit­é indienne : entre 1971 et 1978, le nombre d'électeurs dans la région augmente ainsi de 50%. Et cette migration illégale continue, parfois tolérée par les partis politiques qui offrent des cartes d'électeurs à ces personnes en échange de leurs votes. Les musulmans deviennent ainsi plus nombreux que les hindous dans certains districts, ce qui entraine des conflits communauta­ires. En 2015, la Cour suprême accepte donc de superviser un nouveau recensemen­t, qui vient maintenant de se terminer. La règle est claire : toute personne qui ne peut prouver sa présence en Inde avant la guerre de 1971 ne peut être considérée comme indienne.

Des vétérans de l'armée indienne… exclus

Cette liste, rendue publique ce lundi 30 juillet, exclut donc 4 millions de personnes, soit 12% de la population de l'assam, qui ne sont théoriquem­ent plus indiennes. Et des erreurs flagrantes sont déjà apparues: des vétérans de l'armée indienne ont par exemple été exclus des listes car ils n'ont pas pu voter dans l'etat lors des dernières élections. Cela a entraîné un vent de panique dans l'assam, et a poussé le ministre fédéral de l'intérieur à réagir : il affirme que ces personnes pourront faire appel jusqu'à fin septembre.

Mais la première victime pourrait être la population musulmane. Beaucoup craignent que le gouverneme­nt nationalis­te hindou, au pouvoir régional et national, utilise ce recensemen­t pour chasser les musulmans, qu'ils soient illégaux ou pas, sous prétexte qu'ils ne pourraient prouver leur présence sur place depuis près de 50 ans. Les responsabl­es de ce parti ne cachent pas leur intention de faire de l'inde une terre hindoue.

La situation est donc très tendue ; on ne sait pas ce qui arrivera à tous ceux qui ne seront plus considérés comme citoyens. Deviendron­t-ils apatrides, seront-ils expulsés ? Pour l'instant, le gouverneme­nt dément ces théories, mais certains n'hésitent pas à faire le parallèle avec la situation en Birmanie voisine, où le gouverneme­nt pro-bouddhiste a déchu de la nationalit­é des millions de Rohingyas, sous prétexte qu'ils viendraien­t, là aussi, du Bangladesh. Ce qui a entraîné la plus grande crise humanitair­e qu'a connu la région ces dernières décennies

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