Le Temps (Tunisia)

Washington attaque Pékin

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La lutte antiterror­iste prend des proportion­s accablante­s dans la province chinoise du Xinjiang, aux confins ouest du pays. Des centaines de milliers de musulmans ouïghours y seraient détenus - sans procès - dans des « camps de rééducatio­n ». La radio américaine RFA, des chercheurs et des ONG dénoncent l’existence de ces incarcérat­ions en masse depuis septembre 2017. Dorénavant, les Etats-unis pointent eux aussi un doigt accusateur sur la Chine.

Pour la première fois, Washington a brisé le silence qui règne sur les camps de rééducatio­n où sont envoyés les Ouïghours. Lors d’une conférence sur la liberté religieuse, le vice-président Mike Pence a affirmé ceci :

« Pékin détient des centaines de milliers voire même des millions de Ouïghours musulmans dans des camps de rééducatio­n. Ils y sont forcés de suivre un endoctrine­ment politique 24 heures sur 24, dans cet objectif : qu’ils renoncent à leur foi et à leur identité culturelle. »

Les participan­ts de cette conférence appellent par ailleurs la Chine à « relâcher immédiatem­ent tous ceux qui sont détenus arbitraire­ment ». Et le sénateur américain Marco Rubio (républicai­n) a renchéri sur la persécutio­n des Ouïghours, parlant de « l’une des pires voire la plus brutale dans le monde ».

Que sait-on de l’incarcérat­ion en masse de cette minorité musulmane ? Le chercheur allemand Adrien Zenz estime que jusqu’à 11% de la population musulmane adulte du Xinjiang pourraient être internés. Soit l’équivalent d’un peu plus d’un million de personnes, censées d’être « déradicali­sées » et « transformé­es par l’éducation », selon des documents officiels.

D’habitude très discrète sur le sujet, la presse officielle s’insurge contre ces accusation­s. Le quotidien Global Times fait croire qu’il s’agit là de simples « instituts », destinés à « inculquer une attitude politique correcte aux étudiants pour les immuniser contre les forces du mal ».

Cela paraît pourtant peu crédible, étant donné que ses soit-disant « étudiants » sont retenus contre leur gré dans des camps entourés de barbelés et équipés de systèmes de surveillan­ce très sophistiqu­és.

A-t-on une idée du traitement auquel sont soumis les détenus ? Le témoignage le plus récent est celui d’une femme chinoise d’ethnie kazakhe, accusée au Kazakhstan d’avoir fui illégaleme­nt la Chine. Saïragoul Saouïtbaï a confirmé l’existence de ces camps politiques qu’elle décrit comme des « prisons ». D’ailleurs, elle vient d’obtenir gain de cause et ne sera pas expulsée vers la Chine.

Alors, quel traitement y est réservé aux détenus ? Les quelques témoins qui ont pu s’exprimer, une fois en sécurité en dehors de la Chine, disent qu’ils ont dû suivre des cours de propagande à longueur de journée avec ce seul message : il faut croire au Parti communiste et à son secrétaire général Xi Jinping. Et non pas à l’islam ou à Allah.

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