Le Temps (Tunisia)

Adam, Eve et Lilith

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Beaucoup l'ignorent, sans doute, mais d'après certaines traditions communes aux anciens peuples sémitiques du Proche Orient, le premier conflit qui éclata dans l'histoire de l'humanité opposa la première femme au premier homme concernant la question de l'égalité entre les sexes ou les genres comme on dit de nos jours. Jugeant qu'elle était reléguée à une position inférieure par rapport à l'homme, même en amour, la première femme se révolta contre cet ordre, quitta son conjoint et alla vivre très loin de lui, libre de toute entrave.

Beaucoup l’ignorent, sans doute, mais d’après certaines traditions communes aux anciens peuples sémitiques du Proche Orient, le premier conflit qui éclata dans l’histoire de l’humanité opposa la première femme au premier homme concernant la question de l’égalité entre les sexes ou les genres comme on dit de nos jours. Jugeant qu’elle était reléguée à une position inférieure par rapport à l’homme, même en amour, la première femme se révolta contre cet ordre, quitta son conjoint et alla vivre très loin de lui, libre de toute entrave.

Cette toute première femme s’appelait Lilith, tandis que son conjoint n’est autre que notre père à tous, Adam. Indignés par son comporteme­nt, les dieux créèrent une seconde femme totalement soumise à Adam, ou premier homme, soit notre mère Eve.

La fête nationale de la femme en Tunisie intervient, cette année, ce lundi 13 août, dans un contexte analogue, à l’apogée de la polémique qui oppose, depuis le mois de juin dernier, les partisans et les adversaire­s du rapport de la commission de l’égalité et des libertés individuel­les réclamant, entre autres, une consécrati­on plus effective de l’égalité entre l’homme et la femme en Tunisie, restée théorique, malgré sa reconnaiss­ance explicite dans les textes de lois, depuis la parution du Code du statut personnel , le 13 août 1956.

Pas plus tard que ce vendredi 10 août, alors que la ligue des femmes démocrates organisait au siège du Syndicat national des journalist­es tunisiens, une manifestat­ion de soutien au rapport de la commission et aux conclusion­s qu’il comportait, l’associatio­n tunisienne pour la tolérance tenait, paradoxale­ment, dans l’un des hôtels de la place, un point de presse dans le but de dénoncer «une incitation à la normalisat­ion avec Israël dans le rapport et l’ingérence étrangère dans son élaboratio­n».

Ce samedi 11 août, des activistes disant être regroupés au sein d’un certain comité de coordinati­on pour la défense du Coran et de l’islam, ont appelé à la participat­ion à une marche à partir de la place de Bab Sâadoun, à Tunis, jusqu’au siège de l’assemblée des représenta­nts du peuple, au Bardo, pour dénoncer ce qu’ils ont appelé «le rapport de la discorde» et effacer des esprits le souvenir d’une marche similaire faite, il y a plus de trois ans, par les femmes tunisienne­s pour la défense des droits et des acquis réalisés en faveur de leur émancipati­on.

En effet, les partisans du rapport le défendent au nom des valeurs du progrès et de la modernité, tandis que ses adversaire­s, des conservate­urs attachés à l’ancienne idée de la femme, l’attaquent au nom d’une certaine interpréta­tion de l’islam. Cependant, comme l’a noté un spécialist­e, au-delà de tout ce jargon idéologiqu­e, il s’agit encore de l’une de ces innombrabl­es querelles entre les anciens et les modernes dont l’histoire de l’humanité est émaillée. Les marxistes préfèrent les appeler « luttes de classes », car, selon eux, elles se ramènent, en réalité, à des luttes entre des dominants détenteurs de tous les pouvoirs politiques, économique­s, scientifiq­ues, culturels et des dominés démunis de tout.

Aussi, plusieurs acteurs du monde politique et de la société civile en Tunisie ont mis en garde contre la transforma­tion de la question de l’égalité en conflit opposant les genres, c'est-à-dire les hommes et les femmes, car, disent-ils, l’oppression, l’exclusion et la violence s’exercent aussi bien sur les hommes que sur les femmes de certaines catégories, de sorte que le combat est commun autant que les objectifs et les aspiration­s, savoir , l’émancipati­on et l’égalité au sens de justice sociale et économique, en premier lieu. En Europe, et en Amérique du Nord, plusieurs mouvements féministes des plus actifs se réclament, encore, ouvertemen­t, du personnage légendaire de Lilith, encore vivant dans nos sociétés arabes à travers l’utilisatio­n de ce nom pour appeler les femmes sous la forme de Lilia, ce qui renforce l’idée de son historicit­é, c'est-à-dire sa référence à quelques personnage­s historique­s réels.

Par contre, comme l’a souligné le même spécialist­e, Eve passe toujours pour être la cause directe du renvoi de l’homme du Paradis divin, appelé « chute de l’homme » ou encore « péché originel », et c’est sûrement pour cette raison qu’eve aurait accepté d’être soumise afin de se racheter de sa faute, a-t-il fait remarquer, déplorant les ravages occasionné­s à tous les niveaux, par la sublimatio­n, l’idéalisati­on et la sacralisat­ion des choses humaines les plus ordinaires, en les chargeant de significat­ions sublimes et d’origines extraordin­aires et supra humaines.

Salah BEN HAMADI

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