Le Temps (Tunisia)

Quand tout le monde devient par miracle des Hajij

- Salah BEN HAMADI

Devant se tenir dans quelques jours, entre le 19 et le 22 août, le Hajj ou pèlerinage de la Kâaba, un des cinq rites fondamenta­ux de l'islam, étroitemen­t associé à la célébratio­n de l'aid el Idha, ou fête du sacrifice, a le mérite de conférer à celui ou à celle qui l'accomplit la qualité officielle ou le titre officiel de Haj ou Haja, c'està-dire pèlerin avec le droit d'être ainsi appelé, en public, le cas échéant.

Devant se tenir dans quelques jours, entre le 19 et le 22 août, le Hajj ou pèlerinage de la Kâaba, un des cinq rites fondamenta­ux de l’islam, étroitemen­t associé à la célébratio­n de l’aid el Idha, ou fête du sacrifice, a le mérite de conférer à celui ou à celle qui l’accomplit la qualité officielle ou le titre officiel de Haj ou Haja, c’est-à-dire pèlerin avec le droit d’être ainsi appelé, en public, le cas échéant.

Par un phénomène qu’on peut assimiler à un malheureux mélange des genres, les Tunisiens autant que les citoyens d’autres pays arabes ont contracté la mauvaise habitude d’utiliser à tort et à travers ce titre de Haj, l’attribuant pratiqueme­nt à toutes les personnes d’un certain âge, sans distinctio­n, au point que d’aucuns y voient une grave altération qui réclame une réaction appropriée de la part des milieux concernés. Comme certains citoyens l’ont fait remarquer, ce phénomène, plutôt rare il y a quelques années, s’est accentué, en Tunisie, ces derniers temps. Perdant son sens étroit, le titre de Haj est devenu un terme de politesse qu’on utilise à la place du terme «monsieur», lorsqu’on s’adresse à une personne d’un certain âge, sans distinctio­n. Un citoyen a souligné qu’on dirait que le Tunisien a honte de dire «monsieur» ( sayed, en arabe) lorsqu’il s’adresse à une autre personne pour une raison quelconque. Il emploie alors le terme de Haj et autres supplétifs.

D’ailleurs, à défaut de Haj ou Haja, les Tunisiens emploient aussi la formule «mon père» (baba), en pareille circonstan­ce et l’on peut imaginer la réaction d’un Français lorsque voulant s’adresser à lui, quelqu’un lui dit «mon père», car ce terme s’emploie spécialeme­nt, en français, pour les curés. Interrogé, un spécialist­e nous a indiqué que le phénomène dépasse une simple altération de sens. En effet, a-t-il dit, à en juger par des faits historique­s, ces termes de politesse reflètent les valeurs sociales en vigueur, voire l’idéologie dominante de la société. Ainsi, en France, après la grande révolution de 1789, les Français avaient décidé d’employer le terme de «citoyen» comme terme de politesse, lorsqu’on veut s’adresser à quelqu’un d’autre, de manière à consacrer le principe d’égalité entre les Français prôné par la révolution de 1789. Les communiste­s de Russie et d’ailleurs, au 20ème siècle, avaient choisi d’employer le terme de «camarade», dans pareilles circonstan­ces. De nos jours, le terme de politesse le plus consacré est le terme «monsieur» et il est vraiment étonnant d’user de termes comme Haj, ou «mon père» dans les formules de politesse, à moins de vouloir consacrer certaines valeurs en particulie­r, a-t-il souligné.

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