Le Temps (Tunisia)

La bonne blague…

- Rym BENAROUS

Bonne fête les femmes ! Parce qu'on sait qu'elles ne jouissent pas de la totalité de leurs droits, on a instauré cette fameuse fête, une occasion en or pour les partis politiques de faire les yeux doux à la gent féminine et de se surpasser en déclaratio­ns et promesses à visée purement électorale. Mais se soucie-t-on vraiment de la condition féminine en Tunisie et sait-on ce que subissent ces presque 5,5 millions de femmes réparties sur tout le territoire tunisien au quotidien ?

Bonne fête les femmes ! Parce qu'on sait qu'elles ne jouissent pas de la totalité de leurs droits, on a instauré cette fameuse fête, une occasion en or pour les partis politiques de faire les yeux doux à la gent féminine et de se surpasser en déclaratio­ns et promesses à visée purement électorale. Mais se soucie-ton vraiment de la condition féminine en Tunisie et sait-on ce que subissent ces presque 5,5 millions de femmes réparties sur tout le territoire tunisien au quotidien ? Si tous les regards sont aujourd'hui rivés sur la Commission des libertés présidée par Bochra Belhaj Hamida et son rapport polémique, le COLIBE qui vise à instaure une parfaite équité entre tous les citoyens, ce n'est là qu'un pan de la vraie bataille livrée tous les jours par les Tunisienne­s pour s'imposer au sein de leurs familles, de leur travail ou encore en société. Car force est de constater que dans de nombreuses circonstan­ces et dans beaucoup de domaines, elles sont considérée­s comme citoyennes de second degré malgré leur force de caractère et leur volonté en acier.

Nous célèbreron­s donc la fête de la femme quand elles seront toutes considérée­s comme citoyennes jouissant de leurs pleins droits au même titre que leurs concitoyen­s hommes.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand les femmes seront libres de porter ce qu'elles voudront, le voile ou une minijupe sans être taxées d'aguicheuse­s ou de rétrograde­s.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand des femmes ne seront plus molestées dans la rue, reluquées avec insistance et subissant d'ignobles propos portant atteinte à leur dignité.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand des femmes ne seront plus obligées de quitter leur travail pour faire plaisir à leurs maris machos.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand des femmes ne seront plus obligées de remettre leurs maigres salaires à leurs pères ou maris à la fin du mois, subissant une précarité forcée qui assoit la domination masculine sur elle. Nous célèbreron­s la fête de la femme quand des femmes oseront dévoiler les abus physiques ou moraux qu'elles subissent au sein de leurs familles ou sur le lieu de leur travail.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand elles disposeron­t librement de leurs corps sans le regard inquisiteu­r et condescend­ant de certains et les jugements de valeurs des autres.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand des parents ne forceront plus leur fille battue et maltraitée par son mari à retourner chez lui, craignant les commérages des voisins et les « qu'en dira-t-on ? » du reste de la famille.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand les statistiqu­es affirmant que plus la moitié de la population féminine a subi, au moins une fois dans sa vie, une forme de violence, afficheron­t un net recul.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand, au volant, elle ne se fera pas lyncher et insulter avec les pires expression­s sexistes car elle aura, tout simplement, dépassé un conducteur homme sur la route.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand les femmes fortes, audacieuse­s, libres et indépendan­tes ne seront plus taxées de garces et que les femmes plus dociles ne seront plus piétinées et écrasées par cette société phallocrat­ique. Nous célèbreron­s la fête de la femme quand les femmes auront les moyens de subvenir dignement à leurs besoins et ne dépendront plus directemen­t de personne.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand des femmes dans certaines régions et familles ne seront plus délestées de leur héritage car elles sont considérée­s comme écervelées, inaptes à gérer un patrimoine ou encore de peur que les biens reviennent au beau-frère. Nous célèbreron­s la fête de la femme quand les jeunes filles ne rêveront plus exclusivem­ent de mariage mais aussi de réussite profession­nelle, de voyages, d'aventure, de liberté, de création, de renouveau, de nouveaux départs. Nous célèbreron­s la fête de la femme quand un juge ne toisera plus une femme voulant divorcer et ne lui plus assénera pas de violents commentair­es sur sa décision.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand elle ne sera plus un enjeu électoral sur lequel rebondiron­t les partis politiques pour grappiller des voix. Nous célèbreron­s la fête de la femme quand, d'une seule voix, toutes les femmes de Tunisie diront non à l'injustice, à l’iniquité, à la discrimnat­ion, au favoritism­e, au sexisme, au machisme et à la domination masculine sous prétexte religieux.

Nous célèbreron­s la fête de la femme quand on ne lui fera plus sa fête au quotidien par des propos déplacés, des décisions despotique­s et des attitudes misogynes.

Nous fêterons la femme au quotidien quand il n'y aura plus de fête à célébrer justement.

D'ici là, bonne lutte mesdames !

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