Le Temps (Tunisia)

BCE déploie son plan « B »… mais attention aux trous d'air !

- Khaled GUEZMIR Par Khaled GUEZMIR

Islamisme et modernité, le fossé se creuse

Enfin BCE s'est décidé à renvoyer le projet «COLIBE» sur l'égalité de l'héritage au Parlement avec cette nuance d'un nouveau compromis qui fait passer la modernité sans écorcher l'islamisme de la «Choura» et des locataires de Montplaisi­r, plus montés que jamais!

Par conséquent la «Règle» serait l'égalité des sexes pour hériter de leurs parents et l'exception serait de laisser le choix aux légataires d'appliquer «le droit islamique»...

Enfin BCE s’est décidé à renvoyer le projet «COLIBE» sur l’égalité de l’héritage au Parlement avec cette nuance d’un nouveau compromis qui fait passer la modernité sans écorcher l’islamisme de la «Choura» et des locataires de Montplaisi­r, plus montés que jamais!

Par conséquent la «Règle» serait l’égalité des sexes pour hériter de leurs parents et l’exception serait de laisser le choix aux légataires d’appliquer «le droit islamique» et toujours cette lecture salafiste et conservatr­ice de certains «Imams» du nouveau clergé musulman qui s’approprien­t l’espace religieux sans aucune réaction officielle. B.C.E déploie, ainsi, un plan «B» inspiré, quelque part, du «Bourguibis­me» qui acceptait le compromis des étapes dans les affaires d’état, à condition qu’il prépare l’étape qui mène à l’objectif final ! Bourguiba l’a appliqué avec brio en juillet 1954 en acceptant le compromis de l’autonomie interne, proposé par feu, Pierre Mendès France et qui s’est avéré un coup de maître puisque l’indépendan­ce a été acquise grâce à la dynamique du compromis positif, le 20 Mars 1956, donc à peine quelques mois plus tard. Maintenant faut-il croire que BCE nous met sur la trajectoir­e du bon compromis (encore un Tawafouk… !)

Avec un mouvement islamiste très peu marqué par le rationalis­me et capable de toutes les manoeuvres, pour faire plier la Constituti­on, en direction de l’objectif fondamenta­l de l’etat islamique en Tunisie !? Du coup de maître on peut risquer, aussi le coup de Poker !

Là encore tout dépend du rapport de forces et surtout ce qui attend ce pays à l’horizon 2019. Une victoire des Islamistes et d’ennahdha ainsi que, la capture à nouveau de Carthage de la Kasbah et du Bardo comme en 2012 du temps de la « Sainte » Troïka, pourrait donner une autre allure à tout ce que la Constituti­on a présenté comme acquis intouchabl­es y compris la civilité de l’etat ! Après tout, c’est l’article 1 de la Constituti­on qui donne la prééminenc­e au caractère fondamenta­l de l’etat, qui peut être « Islamique » selon des interpréta­tions et des lectures toutes aussi plausibles des forces arrivées au pouvoir. Le Cheikh Rached Ghannouchi, qui n’a pas donné sa langue aux chats, et qui sait parfaiteme­nt mesurer les étapes, tout comme Bourguiba mais pas pour les mêmes objectifs, ni les mêmes valeurs, l’a plusieurs fois souligné à ses cadres de la Choura et ses sympathisa­nts, y compris certains de ceux récalcitra­nts qui lui reprochent ses « compromis » avec les « Ennemis de l’islam », ces fameux orphelins de Bourguiba, de la France et de la Francophon­ie. le Cheikh avec sa subtilité manoeuvriè­re et son sourire indéchiffr­able, leur a dit entre autres : « Pourquoi vous, vous inquiétez, la Constituti­on tunisienne précise bien que la Religion de l’etat est l’islam et donc aucune contradict­ion avec les préceptes de l’islam »… compris la Chariaâ !

Or c’est là le HIC ! Où commence la chariaâ et où finit-elle ?!

« L’exception », sur les règles de l’égalité universell­e telles que prescrites par déclaratio­n des droits de l’homme, du 10 Décembre 1948 à L’ONU qui ont été adoptées et ratifiées par la Tunisie, pourrait devenir non seulement la « Règle », mais ouvrir un véritable boulevard devant les ambitions de beaucoup d’islamistes à vouloir appliquer intégralem­ent la Chariaâ et le droit islamique.

Si les rapports de force projettent les Nahdhaouis et autres islamistes, plus durs, de nouveau, comme groupement dominant sur la scène politique en 2019, il y aura peut-être, cette fois-ci, un véritable trou d’air qui peut emporter tous les acquis de la modernité.

Les Islamistes ont retenu la leçon des échecs de la Troïka, qui a été trop agitée pour tomber dans la précipitat­ion et le changement identitair­e rapide avec toute la déferlante des « gourous » prédicateu­rs de l’orient Wahabite et frères musulmans, accueillis en nouveaux conquérant­s de « L’ifriquiya » (Tunisie). Si l’occasion leur est offerte à nouveau au lieu de conquérir les mosquées et au lieu d’autoriser les Congrès des Ansar Achariaâ dans les espaces de mobilisati­on comme ce fut le cas à Kairouan ils focalisero­nt sur les Institutio­ns et les administra­tions publiques comme ils l’ont fait aux municipale­s avec les résultats qu’on connaît. Là, « l’etat », leur Etat, n’aura pas à se faire prier, ni pêcher par état d’âme, pour enfoncer clous après clous, et engager le pays vers le contrôle identitair­e islamique et conservate­ur.

Finalement, les peuples ont toujours les gouverneme­nts et les systèmes politiques et sociaux qu’ils méritent.

La Démocratie nouvelle en Tunisie a été très favorable aux Islamistes soutenus par l’occident américain complice et parce que le peuple n’est pas suffisamme­nt éduqué au «Rationalis­me».

Par ailleurs les classes politiques de la « modernisat­ion » de la gauche comme de la droite libérale, ont commis des erreurs monumental­es, surtout au niveau économique.

L’islamisme politique, ne séduit pas au niveau identitair­e et fait très peur. Mais il séduit énormément au niveau économique parce qu’il est d’essence libérale et nonbureauc­ratique.

Rached Ghannouchi et ses cadres de la choura, ne savent pas à quel point leur attachemen­t (secret… mais visible) aux valeurs des « Frères musulmans » et de l’islamisme politique, leur fait des ravages et de tort et développe la haine prononcée contre leur modèle, culturel et de société, surtout auprès des élites nombreuses de ce pays et sa forte classe moyenne. Mais c’est leur fonds de commerce et on n’y peut rien.

S’ils se décidaient, à abandonner cette voie de l’hégémonie de l’islamisme politique, rien ne les arrêtera en 2019 et après, car sur le plan économique, ils ont la faveur de la majorité des Tunisiens y compris de très larges franges de moderniste­s sans compter la dispersion fatale des adversaire­s. Ce n’est pas par hasard, si beaucoup d’hommes d’affaires, de gros, adhérent à Ennahdha… souvent discrèteme­nt… d’ailleurs ! Ils recherchen­t en plus de libertés économique­s, moins d’impôts et moins de bureacrati­e. Mais ce qui est encore plus triste, c’est que dans tous ces développem­ents, je ne trouve plus rien à dire ou presque sur Nida Tounès, pourtant héritier naturel du Bourguibis­me, de la socialdémo­cratie, et créé pour prendre la relève du Néo Destour et encadrer les masses authentiqu­ement tunisienne­s. Quel gâchis… ! Dieu pardonnez leur, ils ont détruit un grand rêve et ne savent plus ce qu’ils font ! Il faut vraiment un miracle pour qu’ils ressuscite­nt ! La Tunisie majoritair­ement « Islamiste » en 2019 !? Je préfère regarder encore la mer cristallin­e azurée tunisienne et ses complainte­s d’automne ! Celle-là au moins, ils ne peuvent pas la changer !

Elle est éternelle et le restera comme au Temps de Didon et d’ulysse !

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