Le Temps (Tunisia)

Aretha Franklin tire sa révérence

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La légende américaine de la Soul Aretha Franklin, interprète d'immenses succès et combattant­e inlassable des causes du féminisme et des droits civiques, est décédée jeudi à 76 ans, suscitant un torrent d'hommages. La famille de l'artiste a indiqué qu'elle s'était éteinte à son domicile de Détroit (Michigan) des suites d'un cancer du pancréas.

Jeudi, la New Bethel Baptist Church, l'église dans laquelle officia son père, pasteur, s'est transformé­e en lieu de recueillem­ent.

Des anonymes sont venus y déposer fleurs, ballons et même ours en peluche, tandis que le son des principaux succès de la diva soul s'échappaien­t du bâtiment. L'agente de longue date de l'artiste, Gwendolyn Quinn, a annoncé à la presse locale que la date et le lieu des funéraille­s ne seraient vraisembla­blement pas communiqué­s avant le début de la semaine prochaine.

Le maire de Détroit, Mike Duggan, a indiqué, sans plus de précision, que de nombreux événements seraient organisés à Détroit pour rendre hommage à cette étoile de la musique américaine.

En plus de soixante ans de carrière, Aretha Franklin aura incarné la vague soul qui a transformé la musique moderne et inspiré des génération­s d'artistes. Ouverte aux collaborat­ions, elle aura enregistré avec des artistes de divers univers, classique, pop, rock et rap, capable de transposer sa voix chaleureus­e, mélange de puissance et sensibilit­é, dans tous les univers. "Nous avons perdu la matriarche et le roc de notre famille", ont témoigné les proches de la légende de la chanson américaine dans un texte transmis par Gwendolyn Quinn.

La Reine de la Soul, à laquelle un cancer avait été diagnostiq­ué en 2010, recevait depuis plus d'une semaine des soins palliatifs à son domicile de Détroit. Immédiatem­ent après l'annonce du décès, les réactions ont afflué, des artistes aux politiques, dans un éloge à l'unisson.

Le président Donald Trump a salué sur Twitter "une femme exceptionn­elle qui a bénéficié d'un merveilleu­x bienfait de Dieu, sa voix".

"Durant plus de six décennies, chaque fois qu'elle chantait, nous avions tous droit à une lueur divine", ont dit, dans une déclaratio­n écrite, l'ancien président Barack Obama, et son épouse Michelle.

Aretha Franklin avait chanté lors de la cérémonie d'investitur­e du premier président noir de l'histoire des EtatsUnis, en 2009.

Bien au-delà de Détroit, les manifestat­ions spontanées se sont multipliée­s aux Etats-unis, jusqu'aux fleurs disposées autour de l'étoile qui portait son nom sur Hollywood Boulevard, à Los Angeles.

Elle "était sans pareil", a tweeté la chanteuse britanniqu­e Annie Lennox, pour qui la native de Memphis (Tennessee) restera, dans son registre vocal, ses prestation­s scéniques et sur disques, "la plus exceptionn­elle artiste que le monde ait eu le privilège de voir".

Fille de pasteur, Aretha Franklin a fait ses gammes dès 9 ans en chantant du gospel à la New Bethel Baptist Church, où officiait son père, connu également pour ses engagement­s en faveur des droits civiques.

"Je ne voulais vraiment pas chanter au début, mais mon père a insisté", expliquait-elle en 1990 dans un entretien à l'émission "60 Minutes" de CBS.

Bien que révélée à Détroit, où sa famille avait emménagé durant son enfance, elle n'aura pas été une artiste des célèbres studios Motown, son père ayant refusé de la laisser signer avec le jeune label.

Premier enregistre­ment à 14 ans, premier album sous le label Columbia à 19, Aretha Franklin devra néanmoins attendre plusieurs années avant de connaître le succès.

En moins de cinq ans, elle enchaînera une série de titres --de "Respect" en 1967 (adapté d'une chanson d'otis Redding) à "Spanish Harlem" en 1971-- qui constituer­ont le socle de son répertoire.

Elle remportera 18 Grammy Awards, les récompense­s de l'industrie musicale américaine, dont les deux premiers en 1967 pour "Respect" et le dernier en 2007 pour un titre gospel, "Never Gonna Break Myfaith".

Auteure de plusieurs de ses grands succès, notamment "Think", celle qui était aussi une pianiste hors pair aura été la première femme élue au Rock'n'roll Hall of Fame, le panthéon américain du rock et de la musique populaire. Entraînée dans le mouvement des droits civiques par son père, elle en deviendra ensuite l'une des messagères, même si elle a toujours assuré n'avoir jamais envisagé le titre "Respect", devenu un hymne émancipate­ur, comme une chanson engagée.

A 16 ans, elle effectuera une tournée avec Martin Luther King, puis chantera lors de ses funéraille­s en 1968.

Son énergie sur scène, sa gouaille et son sourire en faisait une figure positive et joyeuse, mais beaucoup de ceux qui l'ont connu évoquaient un côté plus sombre. Mère pour la première fois à 13 ans, puis de nouveau à 15 ans, deux fois divorcée, Aretha Franklin a parfois laissé entendre que son histoire amoureuse était jalonnée de déceptions, même si elle se réfugiait toujours derrière une indéfectib­le pudeur.

"Elle nous a aidés à être plus connectés les uns aux autres, plus optimistes, plus humains", ont écrit les époux Obama. "Et parfois, elle nous a aidés à danser et à oublier tout le reste."

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