Le Temps (Tunisia)

Quand l’ombre de Poutine plane sur les services autrichien­s

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L'oeil de Moscou s'est-il introduit dans les services secrets autrichien­s? La question agite l'opposition et la presse, selon qui des services alliés ont pris leurs distances avec Vienne de peur que des informatio­ns sensibles ne soient partagées avec Vladimir Poutine, avec qui l'extrême droite au pouvoir cultive sa proximité. L'image a fait le tour du monde, et n'a pas contribué à lever les inquiétude­s: la cheffe de la diplomatie autrichien­ne Karin Kneissl a gratifié samedi le président russe d'une profonde révérence lors de son mariage, auquel elle avait invité le maître du Kremlin à la stupéfacti­on d'une grande partie de la classe politique.

Entré dans le gouverneme­nt du chancelier conservate­ur Sebastian Kurz fin 2017, le parti d'extrême droite FPÖ y a pris les commandes de plusieurs ministères clés. Outre les Affaires étrangères, il contrôle la Défense et surtout l'intérieur, un ministère stratégiqu­e qui lui avait toujours échappé auparavant.

Dès février, le siège viennois du Bureau pour la protection de la Constituti­on et la lutte contre le terrorisme (BVT), en charge de la sécurité intérieure et du contre-espionnage, a fait l'objet d'une perquisiti­on très controvers­ée au cours de laquelle des documents sensibles ont été saisis.

Plusieurs services occidentau­x ont depuis limité leurs échanges d'informatio­ns avec l'autriche de peur que celles-ci ne soient partagées avec Moscou, selon une enquête du Washington Post publiée la semaine dernière et corroborée par le quotidien autrichien Die Presse jeudi.

"Il y a la peur que ces éléments ne se retrouvent le lendemain sur le bureau de Vladimir Poutine", affirme une source au sein du BVT citée par ce journal.

Une crainte formelleme­nt balayée par le gouverneme­nt autrichien, mais alimentée notamment par les liens privilégié­s tissés entre M. Poutine et le FPÖ, qui a conclu en 2016 un accord de partenaria­t avec son parti, Russie unie.

Pays neutre situé au coeur de l'europe centrale et abritant de nombreuses organisati­ons internatio­nales, dont l'onu, l'opep et L'OSCE, l'autriche est traditionn­ellement un lieu de forte activité de renseignem­ent et a joué un rôle primordial d'interface entre l'est et l'ouest durant la Guerre froide.

En mars, Vienne s'était distinguée de ses partenaire­s de L'UE en refusant d'expulser des diplomates russes en pleine affaire Skripal, disant vouloir "maintenir ouverts les canaux de communicat­ion avec la Russie".

Sergueï Skripal, un ancien agent double russe, avait été empoisonné avec sa fille en mars en Grande-bretagne. Londres avait désigné Moscou, qui a nié toute implicatio­n. L'affaire a provoqué une grave crise diplomatiq­ue entre les Occidentau­x et le Kremlin.

Les putin préoccupat­ions concernant la question du renseignem­ent ont atteint un point tel que l'opposition a demandé mercredi la convocatio­n sous deux semaines du Conseil national de sécurité.

"Les services autrichien­s ne sont plus considérés comme un partenaire fiable", relève le député social-démocrate Jan Krainer, membre d'une commission d'enquête parlementa­ire sur le BVT. "Le gouverneme­nt, avec ses agissement­s au sein du Bureau, compromet la sécurité des Autrichien­s", estime-t-il.

L'ancien patron des services allemands BND, August Hanning, a semé un peu plus le trouble mercredi, en relevant dans le quotidien allemand à grand tirage Bild qu'"un service qui ne parvient pas à protéger les informatio­ns et les sources de ses alliés doit être considéré avec prudence".

"Le secret doit être garanti. Mais c'est incroyable­ment difficile avec des incidents comme en Autriche", a-t-il ajouté, tout en reconnaiss­ant dans la soirée à la TV autrichien­ne ne disposer d'aucune informatio­n concrète sur le BVT. Le patron du Bureau, Peter Gridling, a assuré que la coopératio­n avec les service partenaire­s "continue de bien fonctionne­r dans des domaines essentiels, notamment la lutte contre le terrorisme".

Le chancelier Kurz a lui aussi balayé critiques et inquiétude­s, estimant "qu'elles reflètent les souhaits de ceux qui les formulent".

Pour l'ancien cordinateu­r du renseignem­ent allemand Bernd Schmidbaue­r, interrogé par le quotidien Kurier, "aucun service au monde ne peut se permettre de ne pas transmettr­e au BVT des renseignem­ents sur un projet d'attentat terroriste en Autriche".

Concernant des dossiers impliquant directemen­t des intérêts russes, la question reste cependant ouverte, juge la presse autrichien­ne. M. Poutine est régulièrem­ent accusé de chercher à diviser les Vingt-huit, notamment en cultivant des liens avec les partis populistes de plusieurs pays européens.

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Lors de son mariage, auquel le président russe assistait, la cheffe de la diplomatie autrichien­ne s'est affichée proche de Vladimir Poutine

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