Londres se prépare au scénario noir
Le gouvernement britannique a publié hier jeudi 23 août une vertigineuse liste des problèmes que poserait un Brexit sans accord de divorce. Secteur financier, encadrement du commerce, reconnaissance des aliments bio, subventions agricoles, transport des organes humains, droits des travailleurs, tests de qualité des médicaments, transport des produits radioactifs civils, paiement de la TVA, classification des biens à l’exportation, encadrement des aides d’etat, vente d’aliments OGM… Autant de domaines qui sont actuellement encadrés par les règles européennes et qu’il faudra subitement réguler autrement en mars 2019 si les négociations actuellement en cours entre Londres et Bruxelles échouent. Même les dons de sperme seraient affectés : 3 000 sont importés du Danemark au Royaume-uni chaque année, ce qui s’effectue dans le cadre d’une directive européenne.
Au total, les retombées en cas de « no deal » sont détaillées pour vingt-cinq secteurs et sous-secteurs, dans des notes explicatives qui vont de trois à onze pages. Et encore il ne s’agit que d’une première série de documents : le gouvernement va en publier deux fois plus d’ici fin septembre. Chacun de ces dossiers, individuellement, n’est pas nécessairement très compliqué à résoudre. Mais leur quantité rend le risque d’un chaos post-brexit réel. D’autant que leur résolution nécessite souvent la coopération de Bruxelles, et qu’en cas d’échec des négociations, les relations entre les deux parties risquent d’être glaciales. En présentant ces documents, le gouvernement britannique a toutefois de nouveau précisé qu’un «nonaccord » demeure un scénario « improbable ». « Ce n’est pas ce que nous voulons et ce n’est pas ce à quoi nous nous attendons », explique Dominic Raab, le ministre du Brexit. Mais les risques sont réels, alors qu’il ne reste que sept mois avant l’entrée en vigueur effective du Brexit, le 29 mars 2019 à minuit (heure de Bruxelles)… Plus de 7 000 fonctionnaires travaillent au Brexit, et le budget est en place pour en recruter 9 000 autres en cas de besoin. A court terme, 300 personnes vont être embauchées aux douanes. L’objectif du gouvernement britannique, détaillé dans les documents techniques, repose sur une ligne directrice : « priorité à la stabilité ».
Autant que possible, l’idée est que rien ne change dans l’immédiat. « La famine des sandwiches », que certains médias britanniques ont mis en avant en cas de non-accord, est de la « désinformation », assure ainsi M. Raab. « Qui peut dire de façon crédible que L’UE ne voudra pas continuer à vendre des produits alimentaires aux consommateurs britanniques ? » De même, il dément la rumeur que l’armée se tiendrait prête à intervenir pour assurer que les stocks de nourriture soient suffisants. L’exemple des médicaments est parlant. Après fabrication, ceux-ci doivent actuellement être testés, pour s’assurer de leur qualité. Après le Brexit, les tests réalisés dans L’UE ne seraient théoriquement plus reconnus au Royaume-uni. Mais le gouvernement britannique s’engage à ce que cela reste le cas. Cela permettra d’éviter que des médicaments soient bloqués à la frontière, ou interdits de vente, pour des questions réglementaires. En revanche, rien n’assure que L’UE assurera la réciproque.