Daech revendique l'attaque de Trappes
Au lendemain de l'appel à poursuivre le "jihad" par le chef de l'état islamique Abou Bakr al-baghdadi, le groupe terroriste a rapidement revendiqué, hier, l'attaque au couteau qui a fait deux morts et un blessé à Trappes (Yvelines). Toutefois, des éléments font douter enquêteurs et autorités d'un lien direct entre l'assaillant, qui a été abattu par la police, et Daech.
Le ministre de l'intérieur a ainsi décrit le profil d'un "déséquilibre plutôt que quelqu'un d'engagé et quelqu'un qui pouvait par exemple répondre aux ordres et aux consignes d'organisations terroristes et de Daech en particulier".
Alors, le groupe terroriste s'est-il précipité? D'après les premiers éléments de l'enquête, l'individu abattu par la police lors de son interpellation était fiché pour des faits d'apologie du terrorisme remontant à 2016. Toutefois, les enquêteurs ne considéraient pas dans l'immédiat cette attaque comme terroriste et le parquet antiterroriste n'avait pas été saisi jeudi en début d'après-midi.
- D'une part les victimes sont la mère et la soeur de l'assaillant, ce qui fait pencher les enquêteurs pour un différend familial, selon des sources policières citées par plusieurs médias.
- D'autre part, lors d'une conférence de presse, Gérard Collomb a souligné les "troubles psychiatriques importants" de l'individu, plutôt que son affiliation au jihadisme.
- Enfin, la rapidité avec laquelle l'état islamique a revendiqué l'attaque (moins d'une heure), sans fournir de preuve de son implication et ce au lendemain de l'appel de son chef, peut semer le doute.
Sur BFMTV, Sébastien Pietrasanta, "consultant terrorisme" pour la chaîne, a conseillé la prudence quant à cette revendication.
Le mystère demeure sur les effectifs réels de L'EI
Leur "calife" autoproclamé les appelle à "poursuivre le jihad", ils montent des attaques mortelles en Syrie, menacent leurs pays d'origine, mais combien reste-t-il de combattants actifs du groupe État islamique ?
Face à des estimations internationales qui varient du simple au triple, à une propagande sur internet qui cherche à persuader le monde que leur défaite sur le terrain n'en est pas vraiment une et aux incertitudes inhérentes aux zones de guerre inaccessibles à des experts indépendants, l'incertitude sur les effectifs de L'EI risque de perdurer, estiment officiels et experts.
"En décembre 2017, le porte-parole de la coalition dirigée par les États-unis avait estimé à un millier le nombre de combattants de L'EI restant en Irak et en Syrie", écrit dans une analyse le centre de consultants en sécurité Soufan Group. "Aujourd'hui, le département américain de la Défense vient d'estimer de 15.500 à 17.100 le nombre de terroristes de L'EI en Irak, et d'à peu près 14.000 en Syrie. Ces grandes variations dans les estimations sont caractéristiques de la campagne anti-ei depuis ses débuts, en 2014", ajoutent les experts du groupe.
Dans un rapport récent, des observateurs des Nations unies ont fixé à une fourchette de vingt à trente mille le nombre de combattants de L'EI encore présents en Irak et en Syrie.
Cette incertitude sur les effectifs exacts du groupe terroriste a commencé dès sa fondation : il est issu de mouvements restés souterrains pendant des années en Irak, puis des volontaires venus de toute la région, ensuite du monde entier, l'ont rejoint. Les frontières, notamment celle entre la Turquie et la Syrie, étaient passées clandestinement. Déjà, les services secrets internationaux ne disposaient que d'estimations.
"Aujourd'hui, le principal écueil pour parvenir à un chiffre fiable est qu'on ne connait pas le nombre de morts dans leurs rangs, lors des opérations de la coalition, des opérations russes, des opérations irakiennes ou turques", confie à L'AFP Jean-charles Brisard, président du Centre d'analyse du terrorisme (CAT, Paris).
"Les corps des tués dans ces raids aériens sont souvent encore sous des décombres, personne ne va les chercher. Donc, tant qu'on n'a pas la certitude de leur mort, ils sont considérés comme vivants. Certains sont même jugés par défaut", ajoute-t-il.
Tore Hamming, spécialiste du jihadisme à l'european University Institute, doute lui aussi de la fourchette avancée par les experts onusiens.
"Je ne crois pas à ce chiffre", dit-il à L'AFP. "Mais je crois aussi qu'il est impossible à connaître avec précision. Il faudrait commencer par définir ce qu'est un membre ou un combattant de L'EI (...) Souvenezvous qu'en 2015 certains avançaient le chiffre de 200.000 hommes, parce qu’il y incluait tous ceux qui travaillaient dans l'administration du groupe. Ces nouveaux chiffres comprennent ceux qui portent une arme ou tous ceux qui travaillent pour la cause ? Personne ne sait".
Autre cause d'incertitude, souligne Jean-charles Brisard, la porosité persistante de la frontière entre la Syrie et la Turquie. L'armée turque y a renforcé ses contrôles, mais en mettant le prix (et L'EI dispose toujours d'un trésor de guerre), des passeurs locaux peuvent aider à la franchir.