Entre les moyens et les ambitions
A chaque fois que le sujet du transport aérien et de ses nombreux déboires est évoqué, les responsables déploient des efforts herculéens pour enjoliver les faits et renier des vérités connues de tous et dont l'écho a, depuis des lustres, dépassé nos front
Vols de bagages ? Quasiment inexistants ! Retards en série ? Oui, mais seulement sur certains vols et pas de façon continue ! Etat piteux de certains endroits de l'aéroport Tunis Carthage ? Non, celui qui a pris la photo des bouteilles jonchant le sol a sûrement une idée derrière la tête et veut nuire à la réputation de la compagnie nationale ! Etat avancé d'usure des avions ? Nos pilotes sont parmi les meilleurs au monde ! Situation alarmante ? Non, seulement préoccupante et on va y remédier avec le départ à la retraite d'un millier de salariés !
Voici en résumé les réponses du ministre face aux questions de l'animateur de radio qui l'a invité hier dans son émission. En gros, «tout va (presque) très bien madame la Marquise» comme le chantait à l'époque de l'insouciance Ray Ventura.
Mais en prêtant attentivement l'oreille à ses déclarations et en lisant entre les lignes, on saisit, même si le ministre a fait de son mieux pour le cacher en choisissant adroitement ses mots, à quel point la situation est délicate et risque de dégénérer à tout moment. Car les vols de bagages existent et sont nombreux malgré la dénégation du ministre qui estime qu'ils sont au nombre de deux ou trois seulement contre deux mille l'an dernier. Les nombreux internautes postant, sur les réseaux sociaux, les photos de leurs valises vandalisées et pillées et les passagers qui affirment avoir été victimes de vols de bagages mentiraient-ils ?
Quant aux retards, ils sont, selon les témoignages quotidiens des clients de la compagnie successifs, répétitifs, redondants et surtout pas occasionnels. Le ministre ainsi que le PDG de la compagnie Tunisair ont tous deux affirmé qu'à l'origine de ces «quelques» retards, qui disons-le peuvent parfois dépasser la bonne dizaine d'heures, l'état d'usure des avions et la nécessité de consacrer plusieurs heures à la maintenance.
«Quand une défaillance est suspectée, il vaut mieux retarder le vol de quelques heures ou que l'avion reste au sol et ne décolle pas du tout», s'entend-on dire. Mais ce que les responsables ne savent pas, c'est qu'au lieu de rassurer les passagers, ces déclarations ne font qu'attiser leur grogne. Les passagers aiment voyager en toute sécurité, certes, mais c’est la communication qui manque le plus dans tout ce qui se passe dans nos aéroports. Il ne faut pas oublier, aussi, les capacités potentielles de l’aéroport international Tunis Carthage qui ne peut pas gérer plus de sept vols par heure, alors qu’il en fait, durant la période de pointe, entre seize et quatorze.
Les politiciens y sont pour beaucoup dans tout ce qui se passe dans nos aéroports, avec un manque de moyens logistiques, une solvabilité mise en doute par les fournisseurs de pièces de rechange et de société de maintenance, des avions vétustes dont certains n’ont pas été livrés à temps par les réparateurs.
Pourtant, la reprise du tourisme tunisien était bien attendue, depuis des mois et les préparatifs auraient dû être entrepris bien à l’avance.
Par ailleurs, le citoyen et le passager étranger ont besoin d’être informés, de même qu’ils doivent voyager en toute sécurité et récupérer leurs bagages dans un bon état, parce qu’il y va de la crédibilité de la Tunisie et de son tourisme.