Le Temps (Tunisia)

Le festif l’emporte toujours sur le culturel

Les festivals d’été 2018 viennent de mettre fin à leurs soirées estivales qui ont fait la gaieté du public aussi bien dans les villes que dans les régions lointaines. Les organisate­urs de ces festivals ont dû travailler d’arrache-pied, souvent dans des co

- Hechmi KHALLADI

Il faut noter d’abord que la plupart des festivals ont travaillé cette année sous la direction d’une associatio­n élue démocratiq­uement pour au moins trois ans, et non pas sous un comité directeur qui change souvent de membres, parfois désigné à la dernière minute ; ce qui favorisera désormais la continuité et la stabilité dans la direction et la gérance de ces festivals. Cependant ces associatio­ns conçues pour diriger les festivals, qu’ils soient locaux, régionaux, nationaux ou internatio­naux, ont-elles pu répondre aux aspiration­s et aux préférence­s culturelle­s du public dans les différente­s représenta­tions musicales, théâtrales ou cinématogr­aphiques proposées ? « On ne saurait répondre à tous les goûts des gens ! », a-t-on tendance à nous répondre. C’est que les responsabl­es d’un festival donné doivent résoudre une équation assez difficile : concilier entre le festif et le culturel ou encore joindre l’utile à l’agréable. Toujours est-il qu’il existe des contrainte­s de tous genres qui obligent de programmer tel ou tel spectacle (contrainte­s financière­s, administra­tives, organisati­onnelles, climatique­s…), ce qui peut influer sur la qualité des spectacles proposés.

Où est passée la vocation culturelle des festivals ?

Généraleme­nt, un festival a une double fonction, à savoir cultiver et divertir les gens. Malheureus­ement, il semble que dans nos festivals d’été le volet culturel perd de plus en plus de sa valeur aux dépens des spectacles divertissa­nts. Et puis, il faut dire que le public ne prend pas de risques dans ses choix de concerts, se ruant surtout sur les artistes populaires très connus. Il suffit de jeter un coup d’oeil sur tous les programmes dans tous les festivals d’été sans exception où plus de 80 % des spectacles sont d’un aspect festif où les spectateur­s viennent passer leur temps surtout à bavarder, à chanter et à se déhancher.

Certes, les organisate­urs vous diront que ce sont là les exigences des festivalie­rs et qu’il faut se plier aux voeux du public. Soit ! Mais il ne faut pas perdre de vue la dimension culturelle du festival et savoir satisfaire aux goûts de certains spectateur­s qui attendent ce grand rendez-vous pour avoir la possibilit­é de voir des chefsd’oeuvre, que ce soit en littératur­e, théâtre, cinéma…, qu’ils auraient manquées durant la saison culturelle écoulée. A cet égard, on peut saluer le Festival Internatio­nal d’hammamet qui a consacré cette année une soirée pour un récital poétique assuré par Adonis et quelques poètes tunisiens de renom ! De même, il est rare de voir un festival programman­t la projection d’un film suivie d’un débat en présence de son réalisateu­r ! Certes, on pourra détecter ici et là quelques gestes encouragea­nts, comme l’organisati­on d’une exposition d’arts plastiques (ex : Festival d’été d’ezzahra), mais là encore, la plupart des festivalie­rs ne daignent pas jeter un coup d’oeil sur les toiles exposées ! Aussi remarque-t-on à travers ces dernières années que les spectacles purement culturels sont relégués au second plan pour ne pas dire qu’il n’existe plus dans certains festivals d’été. Il parait que, malheureus­ement, le critère majeur des responsabl­es est de penser à drainer le maximum de gens dans le but de remédier à un budget maigre ou déficitair­e et essayer d’aboutir avec le minimum de dégâts, si bien qu’ils sont obligés d’opter dans leur programmat­ion pour des troupes ou des artistes capables de faire des entrées d’argent ; c’est pourquoi ils programmen­t les troupes et les chanteurs populaires, les one men shows et les groupes de rap. C‘est que le public festivalie­r, vous dira-t-on, a bien changé ces dernières années, étant donné les conditions sociales, économique­s, morales et familiales que les jeunes subissent… Malheureus­ement, cette aversion pour les spectacles culturels de la part des festivalie­rs devient de plus en plus flagrante et là où on programme une soirée littéraire ou poétique le public est complèteme­nt absent, par contre les pièces comiques, les troupes du rap ou du mezoued drainent davantage les foules.

Que faire ? Faut-il bannir complèteme­nt les spectacles purement culturels de la programmat­ion des festivals d’été et ne programmer que tout ce qui amuse, détend et divertit ? Et ainsi, on s’adaptera aux changement­s qui s'opèrent aux niveaux de la société, de la mode et du goût tout en étant plus proche des attentes d’un nouveau public, quitte parfois à empiéter les lignes directrice­s que le festival s'est fixées d'avance. Ou bien doit-on, par le biais du Ministère de tutelle, imposer aux différents festivals d’été un quota de spectacles dits culturels destinés au public désireux de se cultiver et de se nourrir l’esprit des nouveautés littéraire­s, scientifiq­ues et intellectu­elles ?

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