Le Temps (Tunisia)

L'état-major birman accusé de génocide

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Les experts mandatés par les Nations unies pour enquêter sur la répression à l'encontre de la minorité Rohingya ont recommandé hiee la mise à l'écart du commandant en chef de l'armée birmane qu'ils accusent de génocide.

Selon le rapport final de la mission d'établissem­ent des faits sur le Myanmar, mise en place il y a un an sous la direction de Marzuki Darusman, les militaires ont commis massacres et viols collectifs contre les Rohingyas avec une "intention génocidair­e".

Les experts recommande­nt des poursuites judiciaire­s contre le commandant en chef, le général Min Aung Hlaing, et cinq autres généraux.

"La responsabi­lité doit seulement être établie par la communauté internatio­nale mais aussi par le peuple birman si le facteur le plus important est abordé, celui du rôle du commandant en chef", a déclaré Marzuki Darusman lors d'une conférence de presse à Genève.

"La seule manière d'avancer est d'appeler à sa démission immédiate", a-t-il ajouté.

Parmi les cinq autres généraux mis en cause par le rapport figure le général Aung Aung, qui a supervisé des opérations dans un village du nord de l'etat de Rakhine, où dix Rohingyas, dont des enfants, ont été tués.

"La clarté de la chaîne de commandeme­nt en Birmanie nous a permis de recommande­r l'enquête et la poursuite de ces six" généraux, a déclaré Christophe­r Sidoti, un membre du panel d'enquêteurs.

La mission a également établi une liste d'auteurs présumés de crimes contre l'humanité et crimes de guerre - qu'ils soient militaires, paramilita­ires, civils et insurgés - qu'elle conserve sous le sceau de la confidenti­alité.

Les enquêteurs mettent aussi en cause le gouverneme­nt civil dirigé par Aung San Suu Kyi, qui a permis selon eux à un discours de haine de se propager, qui a détruit des documents et n'a pas été capable de protéger les minorités comme les crimes commis par les soldats dans les Etats de Rakhine, Kachin et Shan. Il a "ainsi contribué à la commission de ces atrocités".

Le gouverneme­nt, à qui l'onu a envoyé par avance son rapport, n'a pas fait de commentair­e. Parallèlem­ent, Facebook a annoncé la suppressio­n des comptes du général Min Aung Hlaing et d'autres hauts gradés.

Une enquête de Reuters publiée à la mi-août a montré que le réseau social peinait à contrôler la diffusion de messages haineux à l'encontre des Rohingyas en Birmanie.

Engager des poursuites

L'armée birmane a lancé il y a un an une brutale offensive dans l'etat de Rakhine (Arakan) en réponse à des attaques d'un groupe insurgé, l'armée du Salut des Rohingyas de l'arakan (ARSA), contre une trentaine de postes de police et militaires. Quelque 700.000 Rohingyas ont fui la répression.

Le rapport de la mission d'établissem­ent des faits de l'onu estime que l'action militaire, y compris la destructio­n de villages, a été "largement disproport­ionnée par rapport à la réalité des menaces".

"Les crimes dans l'etat de Rakhine, et la manière dont ils ont été perpétrés, sont semblables dans leur nature, leur gravité et leur objectif à ceux qui ont permis à un dessein génocidair­e de s'installer dans d'autres contextes", estime l'équipe de l'ancien procureur général d'indonésie Marzuki Darusman.

"Il existe suffisamme­nt d'informatio­ns pour engager des poursuites contre de hauts responsabl­es au sein de la chaîne de commandeme­nt de la Tatmadaw (armée), afin qu'un tribunal compétent puisse déterminer leur responsabi­lité pour génocide", ajoutent les enquêteurs dans ce rapport final de 20 pages.

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