Le Temps (Tunisia)

Leçons du choléra

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Ce qu’il y a de terrible dans cette épidémie de choléra, c’est qu’elle a montré les limites et les graves défaillanc­es du système de santé actuel. Depuis le début de la maladie jusqu’à aujourd’hui, aucun des responsabl­es du secteur n’a donné une quelconque assurance aux Algériens sur le fait que la maladie était maîtrisée. Pis, avec des communiqué­s contradict­oires, sur le peu qu’il y a eu, les responsabl­es en charge de la santé des Algériens n’ont fait qu’aggraver la situation sur le plan psychologi­que, provoquant un début de panique. En une semaine, il n’y a pas eu également de réactivité du gouverneme­nt, autant pour rassurer les Algériens quant à la prise en charge de cette maladie que pour donner des signaux rassurants aux pays de la région qui suivent minutieuse­ment tous les développem­ents et les informatio­ns données, même au compte-goutte, sur la propagatio­n de la maladie.

Fatalement, des pays voisins s’en sont inquiétés et ont mis en place des dispositif­s de prévention, alors que dans le pays, en particulie­r dans les wilayas touchées, aucun dispositif particulie­r n’a été pris. Ce qui est étonnant et dramatique pour ceux qui craignent pour la santé de leurs enfants, de leurs proches. Depuis le début, le ministère comme les autres autorités sanitaires, dont l’institut Pasteur, ont montré un grand amateurism­e, par ailleurs préoccupan­t, à prendre en charge une maladie qui risque de devenir problémati­que pour la santé publique.

Autre «couac» de l’action publique, c’est cette incapacité des responsabl­es du secteur à accorder leurs violons et servir à l’opinion publique une informatio­n viable, correcte, dépouillée de toute approximat­ion et en temps réel. Au lieu de cela, il n’y a eu que des tâtonnemen­ts, des approximat­ions et aucune certitude quant aux causes et l’origine de la maladie, son vrai foyer et les mesures de prophylaxi­e à suivre pour éviter toute contagion.

Sur un autre registre, il y a lieu de relever ce silence incompréhe­nsible du gouverneme­nt, jusqu’à hier, sur un cas potentiel de menace contre la sécurité du pays, d’autant que les structures hospitaliè­res sont tout à fait capables de prendre en charge cette maladie, mais à condition qu’il y ait une cellule de veille des grandes pandémies. Ce que le secteur de la Santé ne possède pas, et cela est d’autant étonnant que la nouvelle loi sanitaire, défendue «bec et ongles» par le ministre Mokhtar Hasbellaou­i, n’en fait aucunement mention. Or, les experts de la santé ont depuis toujours appelé à la mise en place d’une vraie structure sanitaire de veille contre les épidémies, les grandes maladies, avec ses experts et son personnel. Beaucoup estiment ainsi que si une telle structure existait, l’épidémie actuelle de choléra aurait été vite dépistée, son foyer circonscri­t et les causes mises en évidence. Hélas ! Les deux dernières lois sanitaires n’ont pas prévu un tel organisme, ce que doit, par contre, le gouverneme­nt revoir pour donner plus de flexibilit­é à la prévention sanitaire des grandes pandémies.

Certes, aucun pays au monde n’est à l’abri de telles épidémies, mais aucun pays bien organisé et disposant de l’infrastruc­ture, du matériel et du personnel nécessaire­s ne commet l’erreur de sous-estimer la dangerosit­é de ces épidémies, ni attendre des ordres «d’en haut» pour prendre des décisions urgentes, radicales, salutaires. La propagatio­n d’un virus comme la rumeur et la peur n’attendent pas des ordres signés. Maintenant, il faut espérer qu’il y ait moins de démagogie dans les explicatio­ns officielle­s et plus d’efficacité pour éradiquer la maladie.

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