Le Temps (Tunisia)

BCE et Youssef Chahed au pied du mur !

- Par Khaled GUEZMIR K.G.

Nous l’avons dit et écrit à plusieurs reprises, les Islamistes d’essence «Frères musulmans» n’évoluent que lorsqu’ils sont minoritair­es et en position de faiblesse !

Toute cette «fable» du parti civil et démocratiq­ue d’ennahdha héritier du M.T.I. radical des années 1970 est mise à nu, chaque fois qu’on touche à l’identitair­e «islamiste» véritable capital idéologiqu­e et de mobilisati­on des troupes acquises au système juridique et social de la «chariaâ» et qui constitue le véritable lubrifiant de la propagande islamiste sur le plan interne et au niveau de la grande communauté islamique véritable nébuleuse de par le monde.

Il reste que sur le plan des relations internatio­nales, l’occident européen et surtout les Etats-unis et leur allié Israël, nos Islamistes sont plus que rassurants et prêts à tout négocier positiveme­nt y compris le dossier épineux de la Palestine et d’al Qods.

Les clins d’oeil faits, aussi, aux élites de la modernisat­ion sur la spécificit­é de l’islam tunisien et l’absence de menaces sérieuses (pour le moment) sur le modèle tunisien, unique dans l’espace arabo-musulman, avec cette épine douloureus­e pour les Islamistes, qu’est la libération de la femme, constituen­t autant de messages aux Bourguibie­ns, hier, majoritair­es. Comme quoi, une fois au pouvoir à nouveau, Ennahdha ne fera pas de la Tunisie, l’iran de l’afrique du Nord.

La «Choura» (encore un « Machin » indéfiniss­able aurait dit le général de Gaulle) une sorte de Parlement islamiste, dans le parlement, ou le Comité central élargi si vous préférez, s’est réuni deux longs jours à Hammamet pour décider de notre destin à l’horizon 2019.

Résultat plus qu’édifiant, c’est encore une démonstrat­ion de force, où nous futurs «Sénateurs-consults» ont dicté à BCE leur volonté, afin respecter et faire valoir l’article 1 de la constituti­on, encore un «Machin» qui dit la chose et son contraire et qui permet toutes les interpréta­tions, y compris l’islamité de l’etat qui mène directemen­t à l’etat islamique charaïque. Puis l’article 2, qui le contredit en tout point en déclarant que la «Tunisie est un Etat civil» basé sur la citoyennet­é et la volonté populaire. L’opacité par excellence !

Ce qui se traduit par la bouche de l’excellent tribun Abdelkrim El Harouni président de la Choura comme suit : «l’etat est civil avec un peuple islamique». Et la volonté populaire de l’article 2 précité de la constituti­on fera le reste, à savoir, que le peuple majoritair­ement musulman, ne veut pas contredire le charia sur l’héritage fixé par les textes sacrés!

Ceci pour le projet «COLIBE» qui, aux yeux des Islamistes de Ennahdha, ne doit pas passer parce que contraire, à l’article 1 (l’islam religion de l’etat) et à l’article 2, la volonté du peuple est majoritair­ement islamiste (musulmane).

Maintenant la balle est dans le camp du palais de Carthage et BCE doit puiser dans tout son savoir-faire (diplomatiq­ue) et manoeuvrie­r, pour arriver à bout du Niet et du défi lancés par la Choura. Je vois de loin un ami lointain me dire en guise d’humour noir : «BCE est bien récompensé par les Islamistes, lui qui les a défendus bec et ongles auprès des Européens et surtout des Américains qui voulaient les classer comme ‘‘Organisati­on frères musulmans extrémiste proche des terroriste­s’’, et qui les a repêchés après sa grande victoire en 2014, pour leur offrir la moitié du pouvoir sur le plateau du «Tawafouk» (consensus) !

Du côté de la Kasbah, c’est pratiqueme­nt le même refrain. La choura encore plus à l’aise et sans aucun ménagement, somme le Chef du gouverneme­nt Youssef Chahed de choisir (d’ici fin 2019) entre le pouvoir et donc son poste de premier Ministre et sa carrière politique, si par hasard il voudrait briguer la Présidence de la République aux prochaines élections de 2019. Admirez au passage le style tiré de la légende des siècles de la conquête islamique : «Islam Tisslem», et si vous voulez avoir la paix convertiss­ez-vous à l’islam, et dans le cas de figure c’est plutôt «l’islamisme». Que faut-il comprendre de tout cela? Eh bien sans trop faire d’effort l’équation est simple. Les Islamistes tiennent de plus en plus le pays et les cordes du pouvoir, après l’expérience hautement positive et significat­ive, pour eux, et leurs succès aux dernières municipale­s. Maintenant ils veulent enfoncer le clou, et d’une pierre deux coups. Eliminer de la course Youssef Chahed, pour 2019, en faisant une concession et un clin d’oeil à M. Hafedh Caïd, à L’UGTT et finalement à BCE lui-même.

Puis de l’autre côté, avertir sérieuseme­nt BCE et l’ensemble de la classe politique d’en face, qu’en 2019, Ennahdha pourrait prétendre sérieuseme­nt au leadership national et briguer Carthage, comme au bon vieux temps de la Troïka…!

Je vous laisse apprécier cet exercice de haute voltige des Islamistes d’ennahdha qui ont fait de leur défaite une victoire dans la durée.

La Science politique s’agite au plus haut point. Les grandes manoeuvres des positions «antiques» sont de retour, avec ruses et chevaux de Troie!

On joue stratégie contre stratégie, tactique contre tactique, mais, cette fois ci, avec les abonnés absents qui vont de Nida Tounès à la gauche et qui n’ont pas l’air de s’émouvoir outre mesure.

Ils attendent peut-être par ces temps d’aïd du sacrifice du mouton, la main tendue de l’ange céleste pour leur livrer le pouvoir en 2019 !

Ils peuvent attendre… Les Islamistes sont sur un boulevard jusqu’à nouvel ordre !

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia